8o Chap. VI. Construction des chaussees. avec le mandat d’y requérir tous les habitants mâles, pour la réparation d’une chaussée éloignée de cinquante à soixante kilomètres. Naturellement, les paysans s’effrayent; personne ne veut obéir. Le chef des zaptiés se montre inexorable et menace de les contraindre par la force des bayonnettes. Alors, on entame des négociations qui aboutissent à déléguer vers le mutessarif cinq zaptiés chargés de lui offrir, au nom des villageois, cinquante livres turques, dans le cas où il consentirait à engager d’autres travailleurs pour sa chaussée. Le lendemain, les zaptiés sont de retour, rapportant que le mutessarif accepterait la proposition du village, si celui-ci payait le double. Les pauvres gens n’ont pas d’autre alternative que de verser la somme exigée. — L’année suivante, le préfet hésite à renouveler ce coup dans le même village depeur qu’onne le dénoncé à Constantinople; il emploie donc un autre moyen. Il fait amener de la montagne, par un fort détachement de gendarmes, une trentaine d’aventuriers albanais et les envoie à l’endroit en question. Le sergent explique aux habitants épouvantés que le gracieux mutessarif ne demandera pas aux paysans, pour cette année, de travail sur les voies publiques, et que les Albanais présents ont reçu l’ordre de construire quelques kilomètres de route, près du village. Alors, ces travailleurs supposés vagabondent dans la campagne durant un mois, dormant le jour et pillant la nuit. Leur butin est partagé avec les gendarmes, qui n’ont pas d’autre solde. Les paysans désespérés ne savent comment se débarrasser de cette plaie. Enfin, ils envoient une députation au mutessarif, avec cinquante livres turques, pour demander le renvoi des Albanais en alléguant qu’ils désireraient construire la chaussée eux-mêmes. Le digne préfet se laisse fléchir et rappelle les brigands. Quand le village est trop petit et trop pauvre pour que de telles tentatives d’exactions aient des