88 Chap. VI. L’administration urbaine. Dans les villes, la situation économique est un peu plus favorable pour les chrétiens. La sécurité publique est aussi meilleure, les brigands osant rarement attaquer des agglomérations de trois mille habitants et plus. En revanche, l’administration urbaine est encore plus déplorable. Vu la multitude des fonctionnaires, il est très difficile de satisfaire les besoins de tous. Chaque employé de l’administration turque, depuis le vali jusqu’au dernier secrétaire, reçoit sa commission au siège du gouvernement, ou au palais du sultan; mais il ne peut l’obtenir que par la faveur d’un haut fonctionnaire de ces lieux. Il commence donc par séjourner quelques années dans la capitale, afin d’y trouver un protecteur. Celui-ci lui procure ensuite l’emploi convoité, d’après un tarif fixe, et à la condition qu’il lui servira régulièrement une rente trimestrielle. Ainsi, la charge d’un employé influent du palais ou du gouvernement peut rapporter annuellement deux à trois mille livres turques, par le traficdes emplois. Toutefois, le personnage en question doit abandonner au moins la moitié de ce revenu à son chef. Tel est l’artifice par lequel ces messieurs compensent la perte continuelle de leurs appointements! De même, le fonctionnaire envoyé en province ne saurait attendre le payement régulier de son traitement; pourtant, il est obligé de faire parvenir avec la plus grande exactitude, la rente convenue à son protecteur qui, sans cela, le remplacerait immédiatement par un autre candidat. — Mais renonçons à une description détaillée de toutes les pratiques illégitimes auxquelles a recours la foule immense des fonctionnaires de la justice, de la police et de la bureaucratie communale et provinciale, afin de se procurer les revenus nécessaires ! Celui qui n’a pas vécu lui-même dans ce milieu ne comprendrait jamais de tels abus, et le narrateur s’exposerait au reproche de conter des fables. Certainement, il y