290 SAI.ONIQUE. tremper les peaux, bicoques de bois comme ateliers, avec, pour broyer les écorces de tannage, de simples meules posées sur le sol ; une autre est installée à la moderne, important les extraits de châtaignier, de chêne, de mimosa et de que-bracho, surtout de France, et utilisant aussi la vallonnée de Vieille Grèce. La tannerie salonicienne ne consommait pas moins de 75 000 peaux par an, chèvres, moutons et buffles indigènes, qui servaient surtout à la confection de l’opinga ou tcharik, la sandale à courroies, la vraie chaussure macédonienne, bœufs ou vaches déjà tannés et importés de Belgique, d’Égypte, d’Autriche et de France. Les industries textiles tenaient aussi quelque place. D’abord des industries qui travaillaient pour l’agriculture. Tels les tissus, les sacs de jute, réclamés pour le transport des tabacs, des cocons de soie et des laines. Les tabacs macédoniens avaient besoin de 1 750 000 mètres de bandes (soit 375 t.), de 1 400 000 mètres de toiles d’emballage (soit 130 t.) ; les cocons de soie exigeaient 150 000 mètres (68 t.), les laines 22 000 mètres (10 t.), au total, si l’on ajoute les besoins de la savonnerie, de la minoterie, 1 159 tonnes de sacs de jute : les fdés étaient importés de Dundee. A cette industrie se rattache celle des cordes et des ficelles, les unes en jute, employées surtout pour le tabac, les autres en chanvre. Les filatures de coton de Salonique consommaient 1 600 tonnes de coton (sur les 4 050 consommées par les filatures de Macédoine), employaient 480 ouvriers (sur 1 270), faisaient mouvoir 21 000 broches (sur 61 500) ; les trois filatures saloniciennes (comme les 7 autres de Macédoine) faisaient venir leur matière première de Smyrne, d’Adana, d’Alexandrette, exportaient leur fil en Turquie, Bulgarie, Serbie. Enfin, si la production séricicole était, sans conteste, la plus importante de Macédoine par la valeur des produits, à l’exception d’une fabrique de passementerie, la soie macédonienne n’était pas fdée sur place et le seul rôle de Salonique à cet égard était l’usage de ses entrepôts et de ses banques, qui aidaient à l’exportation. Nous abordons ainsi un coin de la vie salonicienne, qui n’est pas le moins important de tous. Comme presque toutes les banques locales d’Orient, celles de Salonique, généralement entre les mains des Israélites, pratiquaient le crédit à découvert. De plus, elles faisaient l’office de magasins généraux : la plus grande partie du commerce de réexportation de Salonique devait faire usage de ces « entrepôts réels ». Ce sont les entrepôts privés qui sauvèrent Salonique d’un désastre économique, lorsque les circonstances politiques privèrent le port de son arrière-pays lointain. 90 % des affaires d’entrepôt passées en douane étaient traités par les banques. Mais, depuis la Guerre et l’incendie, le commerce qui dut faire face à d’autres demandes, transforma son organisation. L’émigration des « Turcs » et des Juifs. —• L’après-guerre vit une véritable révolution dans la population salonicienne. Nous voudrions d’abord tenter de l’évaluer en quantité. Rien n’est plus difficile dans ces pays balkaniques que d’avoir de sûres statistiques de la population urbaine. Et, dans ces années particulièrement bouleversées depuis 1912, suivre le mouvement de la population est une entreprise hasardeuse. Ce n’est pas que les chiffres manquent. Mais toutes les statistiques du temps ottoman, administratives ou diocésaines, à bases le plus souvent religieuses, sont des instruments de propagande. La « ville convoitée » était revendiquée par les voisins, surtout Bulgares et Grecs, qui prétendaient