114 LA NOUVELLE MACÉDOINE HELLÉNIQUE. mans non visés par la convention du 30 janvier conserveront tous leurs droits de propriété, et leurs réclamations seront justiciables de la Commission mixte ; mais vu les difficultés pratiques, le Gouvernement hellénique admet que ces personnes « pourront profiter, si elles le veulent, des bons offices de la Commission mixte précitée pour aliéner leurs propriétés ». Autrement dit, on tente de faire place nette : les « Turcs » de Grèce, dans la mesure du possible, céderont la place aux Grecs de Turquie. 11 n’est pas très facile d’évaluer précisément le nombre des musulmans qui vivaient alors en Grèce. Les résultats du recensement de 1920 (1er janvier 1921), publiés par la Statistique générale de la Grèce, ne font pas connaître la religion. Les tableaux statistiques grecs estiment qu’il y a eu en Grèce 606 946 échangés, « Turcs » et Bulgares, par tis du 18 octobre 1912 — début de la guerre balkanique — jusqu’en 1924 — lendemain du traité de Lausanne —. Sur ce nombre, 362 898 venaient de Macédoine entre 1919 et 1924 : 329 098 « Turcs » et 33 800 Bulgares. Ce dernier chiffre est probablement faible : la Commission mixte d’émigration gréco-bulgare s’est arrêtée à 46 878 « Bulgares » de Grèce. Soit un total de 375 976 émigrés de Macédoine. Or le nombre des Grecs «réfugiés » en Macédoine étant de 638 253 (au recensement des 15-16 mai 1928), le chiffre correspond à peu près à l’augmentation globale de la population macédonienne, qui passe de 1 090 432 habitants en 1920 à 1 412 477 en 1928, soit 322 045. Tels furent les vides. Le problème consistait donc à établir 638 000 réfugiés, venus de Thrace orientale ou d’Anatolie, au milieu d’une population indigène de 695 000 habitants. Cependant, la densité de la population en Macédoine était faible (31,93 par kilomètre carré en 1920) ; cette population était en majorité rurale (68,07 %), s’adonnait à l’agriculture, l’élevage et la pêche (soit 6,63 agriculteurs et éleveurs au kilomètre carré). La place ne semble pas manquer. Le protocole de Genève. — Une telle tâche dépassait les capacités financières du gouvernement d’Athènes. Dix ans presque continus de mobilisation et de guerres (1912-1923) avaient vidé les caisses de l’État. L’afflux de 1 221 849 réfugiés, venus de Thrace et d’Asie Mineure, à caser parmi les 5 millions de Grecs, imposait un devoir plus vaste encore que la seule installation de la moitié des immigrés en Macédoine. Les réfugiés de Thrace orientale, partis après l’armistice de Moudania, avaient pu emmener leurs chariots et leurs bêtes. Mais les émigrés d’Asie Mineure, qui avaient, dès 1922, suivi l’armée grecque dans sa retraite, évacué le littoral hellénisé et Smyrne, étaient dans cet état lamentable que décrit en novembre 1922 Nansen, enquêtant pour la Société des Nations: pas d’argent, pas d’abri; pour tout habit des vêtements légers d’été, à l’approche d’un hiver plus rude dans la Grèce continentale que sur la côte méditerranéenne d’Anatolie : l’aide de la Croix Rouge américaine, qui devait cesser le 30 juin 1923, du Near East relief britannique, était tout provisoire. Dès février 1923, le gouvernement grec sollicite l’appui moral et l’assistance technique de Genève. Le Conseil en accepta le principe par sa résolution du 23 avril ; mais les circonstances politiques n’étaient pas très favorables : les royalistes s’agitaient en Grèce ; les négociations pour la paix traînaient à Lausanne ; l’équilibre budgétaire n’était pas assuré à Athènes, sans compter que certaines grandes Puissances avaient un privilège de garantie des emprunts.