20 LES FACTEURS DE LA CIVILISATION MACÉDONIENNE. manquent. Chênes, tilleuls, frênes et peupliers sont encore installés sur les terres cristallines. Les sols silicieux, entre 600 et 1 200 mètres, vers Kriva Palanka et Kioustendil à l’Est, vers Tétovo à l’Ouest, dans la haute vallée du Yardar, se couvrent de ces belles forêts de châtaigniers, mêlés souvent aux hêtres rouges et blancs, pressés dans un sous-bois de noisetiers; l’Ossogovo, la Skopska Tserna Gora, le Char même sont revêtus de ce manteau épais. Et plus haut, dans la Haute Région albanaise, comme sur l’Ossogovo et le Malech, l’épicéa des hauteurs, le sapin argenté ou le pin noir d’Autriche s’avancent par le défilé de Katchanik, par les cols de la haute Brégalnitsa, jusqu’au cœur de la Macédoine. Cependant la Macédoine n’est pas le pays des arbres. Est-ce le climat ? Est-ce l’histoire, qui nous vaut ce dépouillement des frondaisons, qui frappe tout voyageur ? Les troupeaux nomadisant ont sans doute dévasté l’aire forestière. Mais le Turc avait une sainte horreur de la forêt, obstacle à la transhumance et au pacage, refuge des haïdouk, conservatoire des libertés slaves. C’est du Péri-stéri, resté boisé au Nord-Ouest de Bitolj, que partit, à la Saint-Elie 1903, le signal de la révolution macédonienne. Ce sont plutôt les formations végétales naines qui dominent. Il n’est guère de pentes qui ne soient plaquées de chibliak, nom qu’on donne à ces fourrés. Il est quelque fois épais, dense, vert au cœur de l’été, presque impénétrable : c’est la tchesta, la « petite forêt ». Le plus souvent ce sont de petits chênes (hrast) rabougris, souffreteux, que les moutons arrachent feuille à feuille, le hrastalak. En été les maigres pousses dentelées, jaunies et poussiéreuses, ne donnent nulle ombre sous l’imperturbable soleil. II. — LA PORTE DU MIDI L’entrée salonicienne. — On n’accède pas aisément de la vieille Grèce en Macédoine. L’ancienne route côtière de Piérie et le chemin de fer Athènes-Salo-nique s’y insinuent par le défilé de Tempé, mur de cent mètres, dressé sur les eaux vives, où les éboulis accrochent des châtaigniers, des figuiers géants. Dernière apparition de la Grèce rocailleuse et blanche, tandis qu’au Nord, lançant ses torrents vers la mer, l’Olympe érige toujours, au-dessus de ses pentes boisées, sa majesté nuageuse. La route d’Elassona n’atteint qu’après un long détour le vieux château dressé, en sentinelle, au-dessus de l’Haliacmôn et de Servia, la première ville macédonienne. A l’Ouest, c’est la longue et double barrière de la Montagne et des gorges de granité déchiqueté. Aux pieds orientaux du Pinde, la route, qui venait de Calabaca, extrême-limite thessalienne, qui aboutissait à Grévéna, est délaissée depuis longtemps. La seule route du Sud est la mer. Quand on quitte les côtes nues et découpées de la Grèce, les rochers en îlots de F Archipel, l’Egée change de nature : ses eaux indigo verdissent ; ses horizons clairs s’estompent ; les îles, les presqu'îles sont plus rares. Le cadre s’élargit, puis se resserre. Mais le navigateur n’est plus guidé par les amers éclatants des caps calcaires, des Acropoles aiguës, des Echelles postées sur la Montagne marine. Du Pélion à l’Ossa, de l’Ossa à l’Olympe, c’est une Montagne noire, forestière. Et, à l’Est, les doigts de la Chalcidique, si médiocres qu’ils soient, offrent peu d’anses favorables. C’est plus loin seulement, qu’abritée par le piton de Thassos, la pointe de Cavalla donne son double abri.