LA PLAINE DE BOURGAS. 251 seules la monotonie implacable. Pas d’arbres. Des villages lointains. A l’automne, les moutons s’emparent des chaumes. On court, durant 20 kilomètres, parfois sans apercevoir d’autres silhouettes que la vaste houppelande d’hiver où le berger s’enveloppe déjà. Les vagues pâtures communales sont immenses, conservées avec un soin jaloux. Les friches s’étendent à l’infini, de part et d’autre de la piste poudreuse, qui noie l’auto dans son tourbillon. Quelques acacias apparaissent, puis, quand une ondulation recèle un abri contre le vent du large, des vignes assez étriquées. A l’extrême Est, ce sont des chardons qui régnent sur cette désolation temporaire, interrompus par les marécages, qui semblent de petites mers. Les collines régulières et brillantes de sel. Puis les vagues vert-sombre sous le ciel gris de la mer Noire. La place ne manque pas pour les hommes, On est à la fois surpris par la richesse de la terre noire et par l’absence des récoltes, par la faible étendue des chaumes comparée à la surface du sol fertile, par les méthodes rudimentaires de culture, qui contraint à la jachère tous les deux ans. Le tiers du département était improductif il y a deux ans encore. Il faut dire que les marais sont nombreux ; les terres salées du littoral ne sont favorables aux cultures qu’après une lente, une méthodique préparation. Cependant, le paysan bulgare est enraciné sur la terre. Il fait des kilomètres matin et soir pour rejoindre son champ. Dès qu’il possède un lopin, il se met à le défricher. Maintes fois, son lot attribué, racontent les organisateurs de la colonisation nouvelle, il n’attend pas le tracteur, la charrue à vapeur qui défoncera le champ : le paysan s’empare de ses outils et, en hâte, se met au labeur. Sa demeure, il la néglige : tels ces paysans de Paparos sur le golfe de Bourgas, qui logent encore dans de véritables tanières, malgré les objurgations des fonctionnaires, en dépit des menaces de retrait de la terre s’ils n’améliorent pas leurs maisons ; ils sont riches cependant, placent de l’argent dans les banques. Mais le confort est leur moindre souci : ils n’ont que la passion de la terre. La répartition des réfugiés. — Si l’on jette les yeux sur une carte du département de Bourgas (v. carte 24, pl. LIII), on voit qu’il se divise en trois parties, inégales au reste, mais d’une parfaite netteté. Au Nord, les pentes Sud du Balkan, une première chaîne, et un long sillon longitudinal, où coule la vallée de la Louda Kamtchiia qui, sortant de son couloir, se jette dans la mer Noire au Sud de Varna : cette vallée Ouest-Est et, entre Sliven et Mes-semvria, tout le piémont exposé au midi sont couverts de villages où les forestiers, les bergers, les artisans de laine se mêlent aux cultivateurs des pentes. Au Sud, bande étroite au Sud-Ouest, largement étalée au Sud-Est, les mamelons buissonneux et boisés, d’une topographie confuse, de la Strandja planina, qui s’étend bien au delà de la frontière ; les pentes Ouest et Nord, vers Elhovo ou vers Bourgas, sont fouillées de ravins multiples, dont les têtes remontent jusqu’à la frontière : là encore, mais en ordre dispersé, une multitude de petits villages, où vit ce bakhtchivanine, le jardinier bulgare, mêlant sur les versants, abrités des vents pontiques, les roseraies, les mùraies, les vergers de prunes. Au centre enfin, dans la vallée de la Toundja et l’ancienne vallée, large plaine qui s’étale de Iambol à la mer, de gros villages, souvent énormes agglomérations entourées de leur mur de terre battue. Faisons une place à la côte, tantôt basse au Centre, tantôt rocheuse au Nord et au Sud, et, sur chaque pointe qui s’avance entre