90 LA NOUVELLE MACÉDOINE IOUGOSLAVE. xixe siècle sur les États-Unis d’Amérique une partie de ce flot slave. La zone du karst est ingrate et la mer proche pousse au départ. Là furent jadis les ouskok, marins et pirates, qui combattaient contre Venise. De là émigraient de nombreux petchalbari, qui allaient chercher fortune en Amérique, mais revenaient au foyer natal. Monténégrins parfois, Herzégoviniens, et surtout Dalmates et Litchani, les « hommes de la Lika » de cette Croatie montagneuse de l’Ouest, murée par le Vélébit, striée par la bora, sans nulle plaine et sans nul port. Dès 1920 les Litchani descendirent sur les plaines macédoniennes. Ces Serbes orthodoxes ont conservé très vif le vieux sentiment national, eux pour qui un fusil se nomme toujours la kossovka. Us apportèrent leurs habitudes : la maison basse — bien que le vardarats n’ait pas la violence de la bora — ; le large toit en pente — bien que les pluies skopliennes ne soient pas aussi abondantes que celles de l’Adriatique — ; seuls les matériaux diffèrent : la brique crue remplace la pierre du karst ; les tuiles sont subtituées aux dalles plates ; mais souvent, dans ce pays où il y a si peu d’arbres, la couverture est encore en bois. L’aménagement est sommaire : par devant l’entrée et les chambres ; sur la cour, le grenier et la cuisine ; dans la' cour même l’étable et le grenier à paille. Naturellement à ce type se mêlent foule d’autres. Les Litchani ne sont pas les seuls, et chaque famille de colons apporte le style du pays natal. Voici, aux portes de Koumanovo, Lioubodrag (5 km. S.-O.), où 70 familles de colons, venues de 1922 à 1925, offrent un microcosme de l’unité sudslave : 11 familles de Lika, 8 de Bosnie et d’Herzégovine, 5 de Dalmatie, mais aussi 5 du Srem et 27 de Serbie ; à Oumin dol (9 km. S.-O.), les Litchani sont les plus nombreux (35 familles), mais, à côté ont trouvé place, de 1920 à 1925,3 familles bosniaques, 2 monténégrines, une dalmate, 7 des environs de Belgrade et de Pirot. De même dans le faubourg Sud-Ouest de Koumanovo. Partout le type dinarique de la maison domine. Dans tous les intérieurs, le mobilier, même moderne, de bois travaillé par le paysan lui-même, ajouré, sculpté, rappelle d’autres horizons que la dénudation de ces seuils. Et la colonisation continue régulière dans le seuil de Préchévo, au pied des pentes, de part et d’autre de la grand’route qui unit, par ces bassins fertiles, au Vardar la Morava : les maisons neuves et larges des colons s’accolent aux vieilles maisons étroites des tchiftchia, faites de pisé, couvertes généralement de chaume. Une exception : lé village tout neuf de Voïnovitchi (11 km. N. de Koumanovo), baptisé du nom du grand poète qui vient de mourir, peuplé de 6 familles de Lika et de 2 de Smédérévo (Serbie), venues de 1921 à 1924. Tout autour, les champs de blé, et quelques rizières au fond des vallées (v. cartes 3 et 4, pl. XIV-XV). Dans le bassin de Skoplié, autre est le site des villages. La route de Vélès court droite vers le Sud-Est, à travers l’ancienne steppe, transformée en champs de céréales, aux bords des marais, moins vagabonds que jadis, et en maints endroits changés en pâturages et en potagers. En septembre les meules de foin s’alignent, et les carrés de choux énormes, de melons et de piments. Ici pas un ancien village, sinon des maisons des gardiens de buffles et de bœufs d’autrefois. Le vieux village s’est éloigné de la basse plaine inondée, insalubre : il s’est réfugié sur la plus basse des sept terrasses (fluviátiles et lacustres) du rebord Nord ou Sud. Au contraire, le colon s’avance près de la route (sur la rive gauche de la large vallée du Vardar), près du chemin de fer (sur la rive droite). Là où la vallée se resserre et où les routes montent sur la terrasse, un double village, vieux et neuf : tel Gornié Lissitchié (5 km. S.-E. de Skoplié sur la rive droite) ou Douchanovats (5 km. E.