26 LES FACTEURS DE LA CIVILISATION MACÉDONIENNE. sans herbes, de ce versant du Morikhovo. Plus à l’Est, les flancs moutonnés et ras du val de Rojden, les falaises, que découpe, en silhouettes fantasmagoriques, le torrent de Gradechnitsa. Au delà du Vardar, la Bélachitsa planina porte, jusqu’à 2 175 mètres, la frontière serbo-grecque et ensuite gréco-bulgare. En bas, la longue fosse recti-ligne qui s’allonge du lac de Doïrane au « lac », au marais de Boutkovo, où la Strouma se traîne et s’enlace. Mais ce n’est pas le seul obstacle. Ce n’est qu’une alternance de remparts et de fossés : le Kroucha Balkan et ses bois, qui dominent du Sud les briques calcinées du Stari Doïrane (le « Vieux Doïrane » ), témoins des vicissitudes politiques, invasions et frontières changeantes ; au delà du lac, le versant sec et nu de la Bélachitsa, percée de mines de chrome, adoucie parfois en petits plateaux cultivés ; on descend, à travers le coutumier fouillis de petits chênes, puis à travers les châtaigneraies épaisses sur le bassin de la Stroumitsa: de rares cabanes de bûcherons ou de pâtres aromounes sont semées sur la Podgora, autrement dit « sous la Forêt » ; enfin, vis-à-vis, bien étalés au soleil, à l’entrée des talwegs, qui descendent vers la Stroumitsa, sur les pentes dénudées du Malech, des moulins, de nombreux villages. Il semble que partout l’homme ait évité les plaines. Il y a dix ans encore, la Campagne salonicienne, les plaines de Drama, de Serrés, et, plus au Nord, le Tikvech sur les rives du Vardar, les plaines fermées de la Pélagonie de Bitolj, de l’Ovtché polié, du bassin de Skoplié n’offraient que deux paysages : la steppe nue, jaunie en été, parcourue de troupeaux de moutons à la recherche de l’herbe rase ; le marécage, qui, en hiver, débordait sur la plaine entière, et où se vautraient les grands buffles noirs 1. I. — LES ROUTES NORD-SUD La route du Vardar. — Tous ces obstacles intérieurs, le Vardar les franchit ; toutes ces plaines, hautes ou basses, il les unit. Sa vallée — si l’on excepte le cul-de-sac supérieur, le bassin de Tétovo — n’est faite que de gorges profondes alternant avec des plaines. Certes, la route n’y est point facile à établir. Ici, ce sont des fondrières, presque impraticables l’hiver, et dont le sol —souvent fond de lac — fait de sable argileux, se volatilise en été dans ces nuages de poussière qui obscurcissent l’horizon. Le fleuve s’y traîne avec paresse, et les premières pluies d’automne provoquent les inondations. Là, il redevient un torrent chargé de boues, écumant et lourd, dans les défilés célèbres que toute armée a dû forcer. Souvent, à l’entrée, à la sortie du couloir, rassemblant les pistes de la plaine, une petite ville, bleue et blanche, étage ses maisons, ses auberges, son bazar. C’est l’étape séculaire. De la route romaine, en effet, au chemin de fer actuel, toutes les époques se sont servi de la vallée du Vardar. La Table de Peutinger nous en montre les relais, de Naïssus sur la Morava (Nich) à Scupi (Skoplié) et à Stopis (Stobi, près de Gradsko, au confluent de la Tserna et du Vardar) : le pré-moyen âge a laissé là des vestiges de l’archevêché de Justiniana Prima (535-602) et ici les ruines de basiliques et de théâtre, témoins de la ville qu’en 479 Théodoric détruisit. De là, on gagnait vite Thessalonique et la mer Égée. L’Empire ottoman fit aussi du 1. Les plaines macédoniennes, lieux et objets propres de la colonisation, seront étudiées avec cette colonisation même.