LA VILLE GRECQUE, JUIVE ET MUSULMANE. 285 ques or ; la grande salle basilicale à deux étages et colonnades de l’ancienne « Église de la Vierge », qui, depuis les Turcs, a conservé son nom d'Agia Paras-kévi (Saint Vendredi, en turc Eski Djounxa ou Vendredi ancien) ; le bijou de briques des Douze Apôtres, aux cinq coupoles ; et, presque au sommet de la ville, l’église patronale, la basilique à cinq nefs de Saint Dimitrios, dont les fins chapiteaux et les mosaïques parlantes ont été la proie des flammes lors du dernier incendie. Durant le moyen âge, Salonique subit foule de cataclysmes. A vrai dire, des villes successives, toujours rebâties sur des décombres, se superposèrent : le sol y est surtout formé aujourd’hui de remblais, profonds de cinq à six mètres, mêlés de matériaux de construction ; on se contentait de niveler, de reconstituer à la même place. Secousses sismiques (en 52, en 677, en 1430, etc.). Incendies (on n’en compte pas moins de quatorze, qui rasèrent en partie la ville, rien que depuis 1545). Et aussi, Thessalonique, qui commande le carrefour des routes terrestres et maritimes des Balkans, fut assiégée, fut saccagée par tous les peuples qui se pressaient aux portes de l’Empire. Ce fut le siège des Avars. Ce furent les sièges des Slaves, cinq fois depuis la fin du vie siècle jusqu’en 634. Les Sarrasins prirent et mirent à sac la ville en 904. Les Normands s’en emparèrent en 1185. Après la quatrième croisade, elle devint la capitale du royaume franc, fondé par Boniface de Montferrat (1204-1223), puis du despotat d’Épire des l’Ange, qui reconquirent sur l’Empire latin cette parcelle de terres grecques (1223-1246).) Quand l’Empire grec fut reconstitué, il dut compter avec les ambitions des républiques marchandes d’Italie, de Gênes, qui s’installa d’abord à Salonique, puis de Venise : en 1265, Michel Paléologue signa avec les Vénitiens un traité, qui leur donna, entre autres, le droit de marché, une agence commerciale et un consulat à Thessalonique ; en 1277, le traité fut renouvelé et étendu ; Venise acquit le droit de construire des églises et d’avoir un quartier spécial : ce fut le francomachalas, le « quartier franc », dont le nom se retrouve dans celui de la « rue Franque », la grande rue commerçante à l’Ouest des bazars. Déjà, depuis 1205 (mais par intermittences), Venise était installée à Durazzo : elle tenait ainsi les deux extrémités de la via Egnatia, demeurée la grand’route marchande de l’Empire oriental. C’est là que Venise débarque ses draps de laine, ses soieries, ses brocarts et sa mercerie, ses verreries. C’est là qu’elle vient chercher les conserves de viande, les peaux, les cordes, et surtout le blé des plaines danubiennes, dont elle a besoin. Les Grecs devenaient les disciples des Vénitiens, et bientôt, ce furent les « Levantins », les Grecs, qui, dans tous les Balkans soumis aux Turcs, allaient être les intermédiaires obligés. L’immigration turque et juive : l’extension urbaine. — L’arrivée brutale des Ottomans en 1431 est aussi une apparition de colons nouveaux. Venus d’Asie par les Dardanelles et les routes terrestres, ils firent de Salonique le point d’appui de leur conquête vers le Nord et derechef vers l’Est, vers Byzance. L’Acropole leur servit de forteresse ; les murs byzantins furent leur défense ; ils y ajoutèrent à l’Est d’autres tours d’enceinte, comme la « Tour Blanche », et la « Tour Bonde », debout encore aujourd’hui : grâce à sa couleur, la première est utilisée comme amer par les navigateurs du golfe. Les églises furent transformées en mosquées par l’adjonction des minarets usuels. Le konak, siège du pouvoir, resta également au Nord. En général, les nouveau-venus occupèrent la ville