LE MILIEU. 53 en rond sur l’aire familiale. La base de sa nourriture est un pain complet de blé, souvent de seigle, le lait et le yaourt de ses brebis, son fromage de montagne ou kachkavalj, du porc fumé en hiver, et en été quelques légumes, oignons, qui passent pour fébrifuges, poivrons verts ou rouges, lentilles et haricots. Le salaire quotidien de l’ouvrier agricole est, en 1913, de 1 fr. 20 pour un homme, 0 fr. 60 pour une femme, en 1918, de 4 ou de 2 francs, plus la ration de pain. Et, le plus fréquemment, le tchiftchi ne gagne pas tant. C’est généralement, en effet, un colon partiaire, que fait travailler le beg ou l'aga musulman. Ainsi toute la commune d’Iven (Morikhovo) appartenait à un aga, qui percevait le 1/3 de la récolte, exigeait encore 1/10 pour l’État ottoman, sans compter la cote personnelle de 20 francs par téte et l’impôt d’un franc par animal ; or, le Morikhovo est une des régions les plus rudes, les plus pauvres de Macédoine. Dans les plaines de Pélagonie ou des Lacs, l’État était représenté par un dîmier qui, tout d’abord, versait au Trésor le quart de la somme due par les villages, 1/8 du produit de la terre, 1/5 de la pêche, plus 1 fr. 30 par tête de bétail, 0 fr. 60 par ruche à miel. Ce régime ne cesse pas avec la chute de l’Empire ottoman. Nombre de tchiflik des environs de Skoplié, de Bitolj, conservent leurs propriétaires, ou les notables, qui ont racheté la terre aux émigrés, en maintiennent la tenure. En 1918, par exemple, dans les villages du Prespa, subsistent la dîme du 1/8 (mise en adjudication), la taxation du bétail (1 fr. par ovin, 2 fr. 50 par bovin), la taxe sur les pêcheries, l’impôt foncier sur les propriétés bâties, sans oublier les octrois (sauf pour les céréales et les laitages) ni les droits de marché. Immédiatement après la guerre, le nouveau royaume des Serbes, Croates et Slovènes se préoccupe du sort des paysans : les « instructions préalables pour la réforme agraire » (25 février 1919) suppriment le colonat ; le décret du 10 avril 1919 exproprie les possesseurs de plus de 100 arpents (1 arpent = 160 m2) ; celui du 3 septembre 1920 fait passer les grandes propriétés au ministère de la Réforme agraire, mais exige des paysans comme fermage annuel huit fois le revenu cadastral (le décuple pour les prés et pâturages), dont les 3/4 pour les anciens propriétaires. Mais toutes ces ordonnances de principe manquent de précision1. Sur les 26 776 kilomètres carrés qu’occupe la Macédoine iougoslave, il n’y avait en 1922 que 5 030 kilomètres carrés productifs, soit la proportion infime de 18,24 % 2. Ce pourcentage se répartissait ainsi : 13,10 % en labours (361 349 lia.), 2,38 % en pâturages (65 673 ha.), 1,39 % en marais utilisables (38 323 ha.), 0,89 % en prairies (24 601 ha.), 0,26 en vignobles (7 318 ha.), 0,14 % en jardins (4 104 ha.), 0,06 % en vergers (1 638 lia.). La terre labourable était occupée par 303 566 hectares de céréales, soit 84,01 %, 9 216 hectares de plantes industrielles (2,55 %), 6 853 hectares de légumineuses (1,89 %), 5 982 hectares de cultures maraîchères (1,65 %), 2 459 hectares de racines et tubercules (0,68 %), et il restait 32 557 hectares en jachère (9,01 %). 1. Cf. sur les débuts de la réforme agraire : Srebheno-Dolinski : La réforme agraire en Yougoslavie, P., Sagot, 1921, in-16, 233 p., et Nedelkovitch : La ré/orme agraire en Yougoslavie (Revue d’économie politique, XXXVIII, n° 1, janvier-février 1924, p. 1-11). 2. Nous avons pris pour base de nos calculs, en général, l’année 1921, qui suit la première récolte de la paix et qui précède la réforme agraire de 1922, ou, quand ce n’était pas possible, l’année 1922. Les chiffres sont ceux de la statistique officielle : iMinistère de l’Agriculture et des Eaux : Superficies productives et le rendement des plantes cultivées pour l’année 1922 et 1921, Belgrade, in-folio, 93 p. et 11 cartes. Les calculs globaux ont été refaits en prenant pour cadre non toute la « Serbie du Sud », mais les seuls départements de Bitolj, Brégalnitsa, Koumanovo. Okhrid, Skoplié, Tétovo et Tikvech.