22 LES FACTEURS DE LA CIVILISATION MACÉDONIENNE. bancs, des chaises du cafetier. Mais, dès que l’eau sourd, au pied des monts qui, par exemple, entourent la Campagne salonicienne, se pressent les érables, les tilleuls, les ornes minuscules qui s’accumulent en des fourrés. Ici, sur les silices, la vallonée et son tanin ; là, sur les calcaires, le chêne truffier cache ses richesses. Cependant le tronc tortu, la feuille lancéolée de l’olivier manque à ce paysage. Ce n’est guère qu’en Chalcidique, où le rempart septentrional abrite des vents du Nord, qu’on aperçoit, par plaques, les olivettes claires, tandis que se disséminent sur les pentes rocailleuses les minuscules poiriers sauvages. On sent que les influences du Nord combattent la contiguïté du Midi. C’est le maquis surtout qui couvre de son manteau sec les collines et la basse montagne. Les calcaires sont tapissés des labiées odorantes, le romarin, le thym, la lavande, la menthe, et, presque partout, la sauge. Les versants sableux ou caillouteux étalent ce buisson d’herbes coriaces et de plantes épineuses auxquelles se joignent des genêts, des centaurées, des euphorbes, et que les Grecs ont accoutumé d’appeler la phrygcina. Dans les recoins les plus chauds, aubépines et épines-vinettes se mêlent aux petits arbres toujours verts, jujubiers et amandiers, et surtout les yeuses, au tronc court et ramassé, aux feuilles vernissées toujours poussiéreuses. Ces chênes-verts topiques remontent les hautes vallées de la Strouma et du Djermen, juqu’aux confins macédoniens. A l’Ouest ce sont plutôt les chênes-kermès, les lauriers-cerises, qui, se faufilant dans les gorges jusqu’à Tétovo ou Katchanik, témoignent encore du Midi. Le genévrier grimpe sur le Rhodope, sur l’Olympe, sur le Péristéri et les monts qui enceignent la Pélagonie de Bitolj. Le buis couvre, jusqu’à 1 200 mètres, les pentes méridionales du Char. Dans la nudité du paysage macédonien, ces maigres mais éternelles verdures reposent quelque peu les yeux. III. — LA MACÉDOINE DES STAN1 La nature méditerranéenne prolonge vers le Nord la tiédeur, les bienfaisantes averses de ses hivers, les jours ensoleillés, les nuits fraîches mais sereines, que les troupeaux ne redoutent point. Sur le littoral, ces vastes Campagnes, si différentes des plainettes de Grèce : les marais y chassent les hommes ; les steppes y accueillent les chèvres et les moutons. La nature continentale pousse vers le Midi ses chaînes ou ses massifs, que les alpages couronnent et qu’arrosent encore les orages d’été. La faiblesse de la population n’a guère permis que l’élevage. Et, des contrastes proches est issue la transhumance. En dépit des différences linguistiques, entre ses deux patries, le pacage d’hiver en bas, et en haut la prairie alpine, le berger mène une identique existence. C’est le « Valaque », le pâtre : les deux noms sont synonymes. Les « Vlaques » les plus nombreux sont de langue roumaine. Leurs voisins les nomment Tsintsar, Koutso-Valaques. Us s’appellent eux-mêmes Aromdni, Roumains. Les évaluations faites par les Roumains de l’actuel royaume, qui eurent, un moment, de vagues prétentions à un protectorat sur leurs frères de langue, sont assez fantaisistes1. On les rencontre sur toutes les montagnes du 1. Bolinteanu donne le chiffre de 1 200 000 Aromàni, dont 450 000 en Macédoine. Pouqueville, qui a visité ces contrées en 1820-1821, se contente de 74 470 en Macédoine, Thessalie et Epire. Wei-gand, dans Die Aromunen, de beaucoup l’ouvrage le plus complet sur les Valaques, les évalue, après son voyage de 1889-1890, à 149 520 (98 130 purs), dont 62 405 en Macédoine (30 825 purs), sans au reste nous indiquer ses sources ni la méthode employée pour distinguer les « purs » des sangs mêlés.