192 LA NOUVELLE MACÉDOINE HELLÉNIQUE. les colons. Mais maintenant la population a augmenté et la quantité d’eau est devenue insuffisante ; chaque famille ne peut guère irriguer qu’un hectare sur les deux qui forment son lot. La petite plaine n’a que 10000 hectares, la moitié de sa superficie, fécondée. Elle paraît cependant comme une oasis : ses 42 villages ont donné, en 1928, 200 tonnes de soie grège, 400 tonnes de tabac, 500 000 kilogs de piments, des haricots blancs, du sésame, sans oublier le blé, dont le rendement est de 12 quintaux à l’hectare. Au début de l’automne, les larges feuilles de mûriers assombrissent les pistes et cachent les villages. Les petites feuilles vertes du tabac sont surmontées de la fleur mauve, que respectent les arracheuses. Des choux immenses s’alignent dans les potagers. Pourtant, entre les mûraies et les champs, des vides : les pistes traversent des torrents, sages alors, mais qui inondent périodiquement les fonds, ou lancent sur les cultures des avalanches de sables et de pierres. La nature n’est pas partout disciplinée encore. Plus on avance dans le fond de la conque, plus la végétation envahit la plaine : sorte de fourré épais, qui succède aux champs ou aux pâtures. Les figuiers y forment des bois touffus, entourant parfois de petits plants de tabac. Les villages — jadis turcs ou slaves — n’apparaissent que par place entre leurs murs de pierres : à Exaplatanos, les « Six platanes », 411 familles, de Smyrne et de Thrace, ont planté, à côté des 32 indigènes qui restent, leurs choux et leurs mûriers ; puis Côstantia, totalement colonisée par 165 familles, Ida, qui accole 32 familles réfugiées aux 84 indigènes, Néromoli (ou Hydromilos) et Prodromos, entièrement repeuplées (52 et 54 familles). C’est dans une forêt de platanes que l’on atteint l’ultime village, aux pieds mêmes du Séréna, de la chaîne-frontière. Un petit cône de déjection, assombri d’un fouillis de mûriers, le porte. C’est Eurôpos (Fous-tani), petit chef-lieu, au moins médical, dans ce coin paludéen : 226 familles de réfugiés (sur 236 au total), surtout de Smyrne (154), sont logées dans les vieilles maisons turques ou slaves, dispersées à l’infini entre des potagers, des vergers de pêches, de poires, des vignobles aux gros muscats. Au delà, c’est la montagne : les réfugiés montent encore à l’assaut ; à Enôtia, qui se plaque à 606 mètres en plein midi sur un gradin de la Dzéna, les 180 familles de colons sont la population entière. La Campanie salonicienne : les colonies de Thrace. — Dans les plaines basses, les conditions sont toutes différentes. La Campanie de Salonique, traversée par le Vardar, laissant sur place de nombreux marais, ressemble aux campagnes de Drama et de Serrés. La population antérieure y était relativement faible. D’immenses étendues incultes couvraient cette plaine basse (v. cartes 19 et 20, pl. XLII-XLIII). Ici, il fallait tout créer, terres fertiles, maisons habitables. Nous y retrouvons le type de colonisation oriental, avec cette différence que la population, d’une commune origine, est plus groupée et plus unie. Si des gens d’Asie Mineure se sont aussi installés sur ces sols presque vierges, et surtout vers l’Ouest, entre Edessa et Giannitsa, entre cette petite ville et Salonique, ce sont surtout des Thraces, mêlés à des Grecs de Bulgarie, qui ont pris possession des champs, ont, de toutes pièces, construit les villages. Dans la circonscription de Giannitsa, qui occupe tout le centre de la Campanie, au Nord et à l’Est du lac, il y avait, l’an dernier, 7 114 familles réfugiées et seulement 1 838 indigènes ; plus de la moitié des colons venaient de Thrace (4 187) et de Bulgarie (1 283) ; des 6 679 mai-