258 LA iMACÉDOINE BULGARE ET LES MACÉDONIENS EN BULGARIE. colon n’a gagné, sur ses 4 hectares, que 5 000 leva. Cependant, il ne se plaint pas : « Dans ma patrie, en Macédoine, dit-il, j’étais plus content matériellement. Ici, je suis plus content, parce que je ne risque pas ma vie ». Il se préoccupe des années à venir, constate que sa femme, ses enfants ne sont plus malades du paludisme, réclame de l’eau potable, pour laquelle le Commissariat a commencé des travaux. Un autre s’est construit lui-même, adossée à sa maison, une étable : murs de pisé, toits de tuiles, lui ont coûté 500 leva ; il y met deux bœufs, une vache, deux veaux; mais il demande la pâture : « Nous avons la terre, mais pas de quoi nourrir le bétail ». Mais il ajoute aussitôt : « Quand il y a du pain, on peut vivre ». De nouveau des vignes étalées, que le mur du Balkan, qui se précise, protège. On redescend sur la plage, traverse le cordon de dunes. Au delà de sa digue, recroquevillée sur son île rocheuse, la petite ville de Messemvria. Avec ses maisons de bois délabré, ses étages qui s’effondrent, ses églises byzantines de briques écroulées, le bourg, naguère tout grec, a un air mort. Il n’avait plus que 582 habitants, quand y échouèrent, en 1924,1 500 réfugiés de la Macédoine grecque, jardiniers de Iénidjé Vardar ou pêcheurs de la côte. Le conseiller municipal, qui nous accueille, est venu de Vodéna dès 1913 : il a reçu, comme chaque réfugié, un hectare de vignoble; mais il a fait fortune en petit industriel (huilerie, tannerie), en commerçant de froment, de cocons, et en loueur de filets. Les vignes ici ont rapporté gros : cette année, 25 000 leva par famille. Mais d’autres n’ont point de terres encore : installés dans les maisons grecques, ils se contentent de louer leurs chambres aux baigneurs durant l’été : 850 familles de touristes sont accourus dans ce pittoresque bain de mer durant les mois les plus chauds. Cependant, le Commissariat fait assécher l’étang du Nord, veut établir ces paysans sur les nouvelles terres fertiles. Ceux-ci, familiarisés avec l’exploitation de l’étranger, refusent de partir ailleurs : ces anciens paysans ne veulent plus être paysans. D’autres réfugiés vivent aussi des touristes : ce sont les pêcheurs qui chôment après la campagne de printemps, avant la pêche de l’automne. Us ont un bateau pour quatre, les filets et accessoires. Ils vont pêcher le hareng surtout, et, l’été, promènent les étrangers en barque. Certains ont été pêcheurs dans la Méditerranée. Pas tous : d’aucuns se sont adaptés à cette vie nouvelle, particulièrement les jeunes gens. Voici un menuisier de Flôrina, qui s’est converti à l’existence marine, et est assez satisfait. Dans cette petite citadelle, que viennent battre les flots, la mer attire. Les nouveau-venus n’échappent point à cette destinée du site1. De toute cette colonisation, Bourgas aussi profite. La ville — 31 428 habitants — ne loge elle-même que peu de réfugiés. Mais le mouvement y est intense : dans ses halles superbes — que pourraient envier bien de nos petites villes françaises —, d’une méticuleuse propreté, les poissons de toutes sortes voisinent avec les légumes du voisinage, poivrons, tomates et oignons surtout, avec les poires et les pêches des jardins environnants. Dans ses larges rues pavées, qui mènent au port, les chars attelés de buffles traînent les sacs de farine. Le port n’est pas très actif, sans doute, mais prospère, croît d’année en année. Il l’emporte maintenant sur Varna, trop proche de la frontière, menacé par la 1. Nombre de maisons construites par le Commissariat dans les localités de la côte au printemps 1929 : 351 à Biala, 125 à Paparos, 246 à Ankhialo, 345 à Vassiliko et Akhtopol.