LA VILLE GRECQUE, JUIVE ET MUSULMANE. 291 pour leurs coreligionnaires, « exarchistes » ou « patriarchistes », à la supériorité linguistique. Remarquons seulement que la statistique grecque de 1913 — date à laquelle Salonique entre dans le royaume — donne la majorité à la population juive (61 439), qui devance les musulmans, dits « Turcs » (45 867), les Grecs (39 956) et quelques Slaves (6 263). En 1920 — au sortir de la Guerre et avant la grande immigration micrasiatique — la population de Salonique était passée à 174 390 habitants : augmentation insignifiante de 16 501. Mais les services officiels ignorent dès lors les religions, en fait les langues. Nous savons seulement qu’à cette date les « réfugiés arrivés avant le désastre d’Asie Mineure » étaient dans la ville 20 016. La croissance de la population est donc due tout entière à l’afflux des premiers immigrés, à cet exode volontaire d’Anatolie qui précéda les défaites de 1922. Alors des familles vinrent au complet à Salonique, et maintes riches spécialement : 9 974 hommes et 10 042 femmes. Survint la convention de Lausanne et l’immigration contrainte. Depuis 1923 jusqu’au recensement de 1928, 97 025 nouveaux réfugiés s’installèrent à Salonique. Les femmes — 52 903 — l’emportent nettement sur les hommes — 41 122. C’est que le déchet des morts dans la nouvelle guerre, des captifs gardés par les Turcs, fut assez imposant, et il débarqua en majorité des enfants et des vieillards. En 1928, la population salonicienne bondit au chiffre de 244 680 habitants : augmentation importante de 70 090 sur 1920, mais beaucoup moins forte que les chiffres, mis bénévolement en circulation, pouvaient le laisser croire. N’avait-on pas parlé de 600 000 habitants ? La différence entre les arrivées (97 025 au minimum) et la croissance nette (70 290) vient évidemment des départs : «Turcs », renvoyés en Turquie en vertu de la convention d’échange du 30 janvier 1923 ; mais aussi Juifs, quittant spontanément Salonique, surtout pour la Palestine sioniste. Une question demeure : celle de la proportion des différentes langues dans la Salonique nouvelle. Il y a d’abord une masse de 117 041 réfugiés urbains, tous Grecs. Il faut y joindre au minimum environ 40 000 anciens. Le nombre des Juifs est bien plus difficile à discerner en l’absence de documents précis. Les évaluations — assez vagues — font tomber la proportion des Juifs de 45 % en 1913 (les Grecs donnaient alors 38 %) à 20 % aujourd’hui, soit à peu près 48 000. La communauté israélite donne le nombre de 48 078. La plupart des émigrés juifs pauvres ont gagné le « foyer national » de Palestine ; cependant, un petit nombre a émigré dans les villes macédoniennes les plus proches ; on en compte par exemple entre 2 et 3 000 à Skoplié. Les riches, privilégiés, purent liquider leurs biens, s’expatrièrent dans les grandes villes méditerranéennes, Naples, Milan, Barcelone, Marseille, voire Paris. Les Slaves et les musulmans forment le surplus, assez maigre. Cette population, devenue en majeure partie homogène, hellène, s’accroît très régulièrement. Ces petites gens des faubourgs sont prolifiques, malgré leur misère, réelle bien souvent. L’excédent des naissances sur les décès a été, pour la ville, de 1 727 en l’année 1927, et de 2 184 en l’an 1928. Et pourtant, en dépit des efforts sanitaires, les conditions d’hygiène ne sont guère bonnes : pour le seul mois de janvier 1929, il y a eu à Salonique 456 décès, dont 151 de maladies des voies respiratoires (60 de pneumonie, 35 de « phtisie »), donc, pour une large part, de maladies de la misère. C’est que le grand effort des services