LA PREMIÈRE MIGRATION MACÉDONIENNE. 215 les entrepôts, magasins de briques superbes, qui dominent l’entrée de chaque ville. Dès que la vallée principale s’élargit, dès que les vallées afïluentes forment, de part et d’autre des confluents, de petits bassins aux terres molles, le tabac grimpe sur les premières pentes, remplaçant les vignes dévastées par le phylloxéra. Ainsi, en amont des gorges de Kresna, au fond de la conque, où Gorna Djoumaïa, sortant de ses vergers, domine les pentes de la rive gauche. De-ci de-là, des villages rénovés, comme Kroupnik ou Simitli : les chaumines sont abandonnées, et les cultivateurs enrichis (le tabac se vendait à l’automne de 1928, 130 à 140 leva le kilog) construisent des maisons flambant rouge. A Gorna Djoumaïa (Djoumaïa la Haute) et dans les neuf villages de la commune, on récolte 820 000 kilos de tabac par an, le quart de la production du département (environ 3 000 tonnes). La petite ville peut payer un impôt de 12 à 15 000 leva par tête, sans compter les contributions exigées par l’O. R. I. M.. Cette prospérité, récente, s'affiche dans la ville même : partout des maisons neuves ; il s’en est élevé 540 en deux ans (1927 et 1928) ; parfois un seul étage, qui attend le suivant. Le propriétaire en effet bâtit sur les bénéfices de la récolte : d’année en année le bénéfice croît. Dans cette population heureuse, 12 600 pour la commune, le tiers est fait de réfugiés. Us semblent fixés pour la plupart. Ces réfugiés de Grèce se sont adaptés à une vie nouvelle. A Gorna Djoumaïa (9 384 habitants) toute une communauté koutso-valaque, 300 familles, un millier de personnes, la plupart sujets roumains, vit très isolée avec ses prêtres, son église, ses écoles. Or la plupart furent des bergers : ils avaient jadis l’habitude d’hiverner dans les plaines de Salonique, de Drama, remontant avec leurs troupeaux sur les pâturages d’été des Rhodopes. Mais la transhumance est devenue difficile : les terrains de parcours se sont clos ; les frontières mêmes se sont fermées, politiquement, sanitairement : les bergers refusent de se soumettre aux quarantaines rigoureuses. Aussi on ne conduit plus les troupeaux que sur les terres vacantes des zones de Pétritch, voire d’Andrinople ; ou bien on nourrit l’hiver le bétail avec du foin. L’élevage se meurt : les Koutso-Valaques de Djoumaïa ne possèdent plus que 20 000 moutons, dont 5 000 brebis laitières. Ces nomades se font sédentaires. Ces pasteurs deviennent des cultivateurs de tabac. De Gorna Djoumaïa, qui de sa conque, traversée par la Bistritsa, surplombe la vallée même de la Strouma, toute marécageuse, on suit les lacets de la route du Nord : tour à tour on traverse les champs de tabac, en automne dépouillés de leurs feuilles ou ne portant qu’un panache sombre, et en bas les rizières pauvres, cernant les cahutes quasi-africaines du village de Djoumaïa la Basse. Les vallées du Djermen et de la haute Strouma. — A travers les collines, plantées de tabac et de vignes, dominées vers l’Est par la masse sombre de la Rila, aux hêtraies épaisses, on parvient à une autre petite cité d’indigènes et de réfugiés, Doupnitsa (v. carte 23, pl. XLVIII-XLIX). La longue rue coutu-mière. Le contraste coutumier. Les riches maisons des cultivateurs de tabac, qui ont vendu cher leur récolte (80 à 90 leva le kilog en cet an de grâce 1928), qui la monnaient en constructions. Mais en revanche la terre est coûteuse. Les nouveau venus ne peuvent guère payerj 20 000 leva le décare, voire 60 000 (comme dans la basse vallée de la Rilska réka, autour du village de Kotchari-novo). Les réfugiés sont donc peu nombreux : 2 000 sur les 15 044 habitants de Doupnitsa. Ce sont de pauvres gens, ouvriers de la manutention de tabac