LE TABAC. 171 fait aptes à cette culture. Les tabacs les meilleurs de Macédoine sont ceux des pentes un peu pierreuses, potassiques, pas très profondes : on préfère gêner quelque peu l’expansion des racines, pour avoir des feuilles petites, un tissu fin, un goût léger. Les terres qui proviennent du défrichement du maquis y laissent un engrais naturel ; ajoutent encore à cette fertilité spéciale l’urine et les déjections des moutons. Cela explique que toutes ces anciennes pâtures aient fourni des sols si favorables à la culture du tabac1. Le travail est minutieux : le planteur ne chôme guère durant les 90 ou 100 jours que dure cette culture, brève, mais qu’il faut soigner de près. Sur ces terrains de pentes ou d’alluvions, bien préparés par les labours d’automne et par les pluies d’hiver, la vraie besogne ne commence qu’au printemps (fin février, mars). C’est l’époque où, à la fois, on sème en pépinières (haslamades), et ailleurs on prépare la terre pour le futur repiquage. Les semailles sont difficiles, car la graine est ténue (de 5 000 à 12 000 graines par gramme) : il faut la mêler à des cendres de bois ou du sable fin. Huit à quinze jours après, le plant lève. Les pluies de printemps sont utiles ; sinon, il faut irriguer, arroser, aérer, et toujours sarcler et éclaircir. Quand vers le milieu de mai le plant atteint 0 m. 10 environ, il est bon à repiquer : cela demande un mois, un mois et demi environ ; nous sommes alors en juin, au début de l’été, la saison sèche. Cependant, on a préparé le champ de transplantation : c’est là que l’on repique les plants les mieux venus. Les sillons doivent être droits, les plants bien espacés, de 0 m. 50 x 0 m. 20, soit une « compacité » (nombre de pieds à l’hectare) de 80 000 à 150 000 (en effet, pour avoir les feuilles petites et aromatiques, on diminue la faculté de nutrition de la plante et on augmente la « compacité » : la « compacité » du Maryland est de 20 à 30 000 pieds à l’hectare, celle du tabac français de 35 à 40 000). Ensuite, il faut « butter », soit ameublir et aérer le sol, « épamprer », c’est-à-dire supprimer les feuilles sans avenir de la partie inférieure de la plante. Au contraire de ce que Ton fait ailleurs, on n’ « écime » pas, car il s’agit toujours ici de diminuer la vigueur de la plante afin d’obtenir des feuilles moins développées mais plus aromatiques. Quand les feuilles vertes (14 à 16 par plant) commencent à prendre des marbrures jaunâtres, elles sont mûres. La cueillette attend une maturité bien accusée. Vers le 15 juillet, parfois un peu plus tard, commence la « récolte précoce », celle des feuilles inférieures, verdâtres, faibles et sans grand arôme : elles donneront les qualités les plus basses, peu lisses et dures. Ensuite a lieu la cueillette des feuilles médianes. La récolte se poursuit, « récolte tardive », jusqu’au 15 septembre, parfois en octobre, celle des feuilles supérieures, petites, grasses, pleines de saveur. Enfin, on prend même les folioles et rejetons, et les fleurs blanches de la cime, qui portent les semences de l’an prochain. Les feuilles sont mises en javelles durant un jour, puis on prépare la dessiccation. Le séchage est une opération délicate, qui demande à être faite avant les premières pluies de l’automne. C’est le paysan lui-même qui s’en charge avec sa famille. Il faut trier les feuilles, les enfiler selon la grosseur dans des fils de chanvre ou de fer. Les guirlandes sont exposées au soleil, toujours à l’Est ou au Midi, soit à la façade de la maison, soit le long d’un mur, ou bien parfois sur des séchoirs spéciaux. Toutes les maisons villageoises des régions de 1. Cf. Capus, Leulliot et Foex : Le tabac, Paris, 1929, 2 vol. in-8°, 418 et 430 p., t. I : Origine, histoire, classification, chimie, culture, récolte, génétique; t. II : Pathologie, dessiccation, préparation.