168 LA NOUVELLE MACÉDOINE HELLÉNIQUE. est cependant, dans son travail propre, une œuvre purement hellénique. Les dirigeants ont compris la nécessité d’intéresser le pays entier à cette tâche et de ne pas fournir des motifs d’affaires aux compagnies étrangères, déjà toutes prêtes à cet égard. A l’exception d’une compagnie allemande, qui a l’adjudication d’un certain nombre de maisonnettes de ciment, tous les entrepreneurs, ouvriers, employés, fonctionnaires de l’Office sont Hellènes. Sous l’égide de la Société des Nations, s’est accomplie, en sept années, une œuvre toute nationale. Mais l’œuvre matérielle n’est pas tout. Le paysan et la culture grecque. — 11 y a quelques mois, au milieu de la plaine de Serrés, des chaumes du maïs où séchaient les dernières feuilles, des plants de tabac rétrécis aux pousses supérieures. Les dômes du Pangée rougeoient encore. Les eaux calmes et grasses du lac d’Achinos scintillent sous le brouillard matinal. Sur un monticule une masse blanche, que domine le carré blanc et rouge d’un palais. La petite voiture s’approche du village. Les buffles se sauvent et les chiens accourent, courroucés devant l’étranger. Nous mettons pied à terre devant le palais de chaux et de briques. Un chœur d’enfants s’élève. Ce palais est une école. Ce spectacle de Néos Scopos, on l’a mille fois répété dans les plaines monotones de Macédoine, où les champs antiques ressuscitent, où les villages sortent de terre. La Société des Nations, l’Êtat hellénique ont fait des prodiges d’économie pour installer sur les terres grecques, vieilles et abandonnées, repeuplées et fertilisées, le million et quart de réfugiés de Thrace orientale, d’Anatolie turque. Les ingénieurs agronomes ont guidé la reconstruction, l’engraissement des terres, les semailles nouvelles. Mais l’argent indispensable pour les abris, pour les cultures, manque pour le superflu, si le superflu est l’instruction. Alors le village, immigré, sorti des cendres ioniennes, rassemble les drachmes et les bras. Sur la motte qui domine la plaine, au beau milieu des fermes, sans aide, le paysan construit son école. Jadis après les invasions, on dressait le château fort. Plus près de nous, après les guerres fratricides, qui ont ravagé la péninsule, on rebâtissait l’église. L’église neuve a encore sa place : elle est là, minuscule, modeste, basse, couvrant sa nudité du manteau de ses tuiles pauvres. Voisin, l’orgueil de l’école, avec la commisération d’une fille émancipée, lui mesure une place suffisante, mais parcimonieuse. Et sur le tertre, à l’heure de l’office, les clameurs des enfants, qui jouent, couvrent la psalmodie du pappas, qui approuve. L’école, faite des deniers des pauvres. L’école, premier autel dressé aux plus durs moments d’un exil, simulacre de la patrie emportée à la semelle des souliers. Aux temps héroïques de la colonisation grecque, le fondateur emmenait les dieux immortels de la cité, les divinités protectrices de la pérennité, de cette civilisation, qui ne veut pas mourir. Maintenant de Smyrne incendiée, de Brousse dévastée, qui ne ressurgiront plus jamais des flammes éteintes ou des pillages, les colons ont enlevé ce seul symbole moderne de la patrie, temple de l’alphabet, conservatoire des Anciens. La culture grecque ne peut mourir : elle est aux mains de la masse rurale. Petit jardinier, penché sur son carré d’oignons, d’aulx et de fèves ; ménagère au fichu noué qui abrite mal du soleil, cueillant avec lenteur et méthode les feuilles larges, vertes, du tabac nouveau ; bambin à l’œil noir, au malicieux