30 LES FACTEURS DE LA CIVILISATION MACÉDONIENNE. surveille l’entrée de la Montagne. Mais le village neuf de briques, Vévi, s’est construit récemment en bas. C’est sur un hrid, à travers des ondulations caillouteuses, nues, à peine verdies temporairement par les pluies d’automne, que la route monte à Gornitsovo (Gornitchévo), au col de 963 mètres, où un village en ruines — à côté des maisons modernes — rappelle la bataille de 1916, qui livra aux Français et Serbes la demi-Pélagonie. Le chemin n’est plus qu’une piste pierreuse, que chaque hiver démolissent les torrents de la montagne. Nouvelle descente, accompagnée de châtaigniers, apparition d’une nature déjà plus méridionale. L’instabilité du lac d’Ostrovo contraint de déplacer, de reporter à l’extrême limite de la plaine alluviale la route et le chemin de fer. Un autre mur, la Nitcha, où la voie pénètre encore, atteint les sources de la Voda. Dès le moulin de Yladovo, une épaisse végétation envahit la pente orientale : platanes gigantesques, vignes, arbres fruitiers. C’est, entre les vergers et les cascades que, dominant la Campanie, à 308 mètres, on atteint la « Ville de l’Eau », Vodéna, l’antique et la neuve Edessa. Soixante-dix kilomètres dans la Campagne monotone, longtemps morte dans ses steppes nues : le berger classique, au bonnet pointu de feutre et aux cnémides de laine, y paissait les moutons noirs ; des roseaux, des marais émergeaient seules les huttes des pêcheurs. Il y a dix ans encore la grand’rue de Iénidjé Vardar (Giannitsa) n’était, l’hiver, qu’un bourbier, où les buffles venaient au secours des automobiles épuisées. C’est sur des herbes rases qu’on abordait Salonique. De Salonique, traversée de part en part par la « rue Egnatia », pour gagner l’Est, s’offrent les dépressions que les fractures ouvrirent dans le massif cristallin. La plus directe est celle du Sud, la fosse Langada-Béchik ; la voie romaine l’avait choisie : on en retrouve les traces pavées, au delà de l’isthme chalcidique, sur la chaussée, qui longe le golfe d’Orfano, et dans les ruines du pont de pierres, qui sautait par-dessus l’embouchure de la Strouma. Au contraire, le chemin de fer « de Jonction » Salonique-Constantinople est allée chercher la plus longue, mais également la plus peuplée : il longe les terrasses de la rive gauche du Vardar, fait un détour vers le Nord, puis s’engage, entre Kroucha Balkan et Bélachitsa, dans la fosse Doïrane-Boutkovo et son prolongement au Sud-Est, la basse vallée de la Strouma. La route moderne ne suit ni l’un ni l’autre des tracés. Elle coupe au plus court, en direction de Serrés : se faufilant dans la plaine au Nord de Salonique sur les steppes, dont les tumuli préhistoriques interrompent seuls la platitude, elle grimpe sur le plateau du Béchik, tombe sur la plainette labourée de Langada, remonte encore jusqu’à 663 mètres, descend enfin, en lacets rapides, sur la plaine de la Strouma, coupée de roselières et, sur la rive gauche, plus élevée, de moissons. De Serrés à Drama, la route emprunte la vieille piste turque, pavée par places, le plus souvent caillouteuse ou boueuse, ignorant les ponts, s’engageant dans le lit même des torrents. Depuis le lac d’Achinos, elle remonte l’Aggistis, qui ouvre une large vallée, de grès et de sables, entre les contreforts granitiques du Pirin et, au Sud, la masse sombre, les marbres noirs du Pangée. Mais la rivière s’engouffre dans les gorges d’Amphipolis, par où se déversent les derniers marais de Philippes. La route se hausse au Nord de la vallée, puis à l’Ouest de la plaine, sur les terrasses graveleuses qui longent les pieds du Rhodope, qui évitent les marécages. Des karakol, des postes turcs de gendarmes, en ruines