LES CONDITIONS DE LA RECONSTRUCTION. 297 les commissions cadastrales, et surtout par le boycott des lots mis en adjudication. Il y eut donc une abstention systématique du « groupe immobilier », avec l’espoir de provoquer une baisse et d’obtenir le rachat à de meilleures conditions. Mais le gouvernement répliquait, par l’organe de son représentant dans la commission, l’architecte Kitsikis, qu’il n’hésiterait pas « à appliquer son programme au prix de tous les sacrifices, du moment qu’il s’agit de poser des fondations aussi belles à la reconstruction d’une ville de l’importance de Salonique et d’assurer ainsi le bien-être des générations, qui sont l’avenir de la ville ». Les adjudications. — Cette obstruction d’une partie des propriétaires juifs de Salonique fut bientôt accaparée par les adversaires des « libéraux », c’est-à-dire de Vénisélos. Elle ne fut pas étrangère à la défaite de celui-ci aux élections du 14 novembre 1920, ni au rappel du roi Constantin par le plébiscite du 5 décembre. Le ministre royaliste Gounaris s’empressa de déclarer qu’il considérait la loi de 1918 comme lettre morte et annonça dans une dépêche aux Saloniciens qu’il acceptait leurs principaux griefs (10 janvier 1921) : on regrouperait les terrains en secteurs ; les rues et places publiques seront ramenées de 52 % à 40 % de la superficie brûlée ; la zone non incendiée de l’Ouest sera exclue du nouveau plan ; les propriétaires rebâtiront à leur guise sans restrictions ni servitudes. Bref, les intérêts privés reprenaient le dessus. C’était une revanche de la politique des clans, de ces kommata, dont Vénisélos avait été provisoirement vainqueur. Ces promesses électorales, il était impossible de les tenir sans compromettre le sort de la ville future. M. Hébrard, chargé d’élaborer un plan nouveau, ou, pour mieux dire, de modifier son programme primitif, eut l’habileté de convaincre la population israélite et d’accepter seulement les doléances qui ne compromettaient pas l’harmonie urbaine. Ainsi on décida, d’un commun accord, de ramener à 42 % le pourcentage des espaces libres, de porter le nombre des lots de 1 300 à 2 600, pour permettre à la majorité des propriétaires de racheter leur part (à l’exception des lots ridiculement exigus), de repousser vers l’Est la limite de la zone ædificandi, de dégrever des prix d’achat les frais de nivellement ou de voirie, d’augmenter la valeur d’estimation des terrains (de 50 à 75 %) ; les petits propriétaires pouvaient grouper leurs bons pour des achats en commun ; la Banque nationale devait avancer les fonds nécessaires. Désireux de collaborer avec les propriétaires eux-mêmes, l’architecte transforma en conséquence le plan de reconstruction. Ces négociations aboutirent à la loi 2633 du 30juillet 1921 «sur la disposition des terrains compris dans le nouveau plan de la zone incendiée de Salonique». Fort longue, elle codifie et précise, plutôt qu’elle ne modifie, les dispositions principales de la loi de 1918. Elle n’innove qu’en matière de lotissements et d’adjudications. Elle groupe les réformes sous quatre chefs. Io Lotissement et estimation des terrains. Le « groupe immobilier » subsiste, mais est divisé en secteurs, puis en lots, en nombre le plus élevé possible. Il est créé une « commission du plan de Salonique », formée de trois fonctionnaires techniques, de deux représentants de la municipalité, d’un ou deux représentants de chaque secteur, élus parmi les possesseurs de titres cadastraux. C’est le « groupe immobilier », jusqu’à concurrence d’un million, puis la commune de Salonique, La Macédoine. 38