74 LA NOUVELLE MACÉDOINE IOUGOSLAVE. arriérées. « Il faut, disait un médecin de là-bas, corrompre le peuple, l’habituer au lit et aux mains propres ». On distribuera donc des lits et gratis : quand un homme a couché une fois dans un lit, il ne se reposera plus à terre. On amènera l’eau, construira des fontaines, des bassins de lavage du linge, voire des blanchisseries, à eau chaude si possible. On bâtira des bains-douches. On fera la chasse au fumier découvert dans les villages, aux étables malsaines, mal entretenues. On édifiera des maisons modèles, qui n’oublieront pas les w.-c.. La condition du succès, c’est que le peuple collabore à la tâche entreprise. D’où l’assainissement moral des villages, mené par la section de propagande. Le médecin a compris que, pour réussir, il doit inspirer confiance. Dans ces pays où l’autorité publique n’est longtemps apparue que sous la forme du gendarme ou du dîmier de l’impôt, où l’Empire ottoman ne connaissait le paysan slave que comme un serf ou un proscrit, la méfiance de l’Ëtat est ancrée dans l’esprit des masses. Il faut donc éviter de recourir aux autorités, à l’arsenal des répressions. Il ne s’agit que d’ouvrir les yeux et les consciences. La propagande pratique est l’œuvre des volontaires, au premier chef de l’infirmière itinérante, qui va de village en village. On complète cette action bénévole par des conférences, des affiches, des brochures, et surtout des films, que fait tourner la voiture cinématographique de l’institut d’hygiène. Ainsi s’établira peu à peu une collaboration entre le médecin et le malade, entre l’institut et chaque village. Le paysan comprend à son tour ; il voit la fontaine, le bain du hameau voisin. Il en demande une aussi. Il ouvre même sa bourse, quand c’est nécessaire : s’il a donné quelques dinara, il considère l’institution comme sienne, il y prend cœur. Ainsi lorsqu’on construisit le sanatorium du Péristéri au-dessus de Bitolj, les paysans des villages voisins s’enrôlèrent spontanément pour faire les 3 km. 500 de route qui manquait : ils n’avaient pas mis longtemps à considérer qu’ils travaillaient pour leurs enfants. Les centres villageois. — La racine de l’œuvre entreprise est la « station sanitaire » de village. C’est par elle qu’on touche la masse rurale du pays. Voici, au pied même des montagnes, à l’endroit où la Markova réka entre en plaine, à 9 kilomètres S.-E.-E. de Skoplié, le gros village de Dratchévo. L’hiver, toute la région est muée en marécage. L’été, la Markova est à sec et on la franchit à gué sans s’en douter. 1 200 habitants vivent là, impaludés. Dès 1924, on ouvre la station. Aux portes Sud du village, à côté de l’école, deux bâtiments blancs s’élèvent : les bains et la station même, bureau et chambre de l’infirmière. Autour, un jardinet et un champ de pommes de terre, un exemple pour ces paysans, qui ignoraient cette culture. Le chef de station est une infirmière, assistée d’un domestique, pris dans le village même. Elle est sortie, après trois ans d’études, de l’école d’infirmières de Belgrade, et a suivi encore, durant un an, les cours spéciaux de l’institut de Skoplié. Elle gagne par mois 1 200 dinara (600 francs à peine). Pour ce prix elle est pharmacienne, professeur d’hygiène, assistante du médecin, qui arrive chaque mois de la « Maison de santé » la plus proche en tournée d’inspection et de contrôle. Le reste du temps on lui livre 400 kilomètres carrés, 32 villages ou hameaux, 12 762 paysans à visiter. Son territoire est divisé en quatre itinéraires, au reste peu rigides (s’il pleut, on remet le tour au lendemain) : les 4, 5 et 6 du mois, elle remonte la vallée de la Markova, dans la Vod-