12 LES FACTEURS DE LA CIVILISATION MACÉDONIENNE. Voici la Gornia Réka, haut pays isolé sur le Korab, qui domine l’abrupte et étroite vallée de la Radika, déserte. Les immigrés d’Albanie se sont emparés de la Montagne (au-dessus de 950 m.), s’installant dans les villages perchés jusqu’à 1 280 mètres, imposant leur langue même aux chrétiens, qui se considèrent comme Serbes. Cependant, sur ces hauteurs, enneigées de septembre à avril, l’Albanais a dû renoncer à l’élevage, se contenter de cultures maigres, seigle, orge ou millet. Les musulmans y sont encore 1 594 en face des 1 506 chrétiens. Même genre de vie sur la rive gauche, dans le Mavrosko polié, quoique les Albanais y soient plus rares. Sur la basse Radika, au pays des Miiatsi, les 6 502 musulmans et les 8 627 chrétiens mènent la même vie pastorale ou émigrent en pe-tchalbari. Les Albanais y occupent 119 maisons sur 2 932 : le reste des musulmans sont des Slaves, qui ont gardé leurs pesmé, convertis au xvme siècle par la contrainte albanaise. Plus à l’Est, moins dense est le peuplement albanais ; mais il tint longtemps la Montagne, plus précisément certains coins. Dans la Skopska Tserna Gora il accrochait ses villages dans les petites vallées torrentielles qui descendent sur le Vardar, tandis que les versants du Nord et de l’Est n’abritaient que des villages slaves. Venus en 1690, après une insurrection slave, qui avait échoué et avait été suivie d’une migration en Hongrie, ces Albanais occupaient de préférence les villages exposés au Midi, au reste proches de Skoplié et de la grand’route ottomane. Pour les mêmes raisons on les installe sur les tchiflik de la plaine, au Nord de Skoplié (v. carte l,pl. II). Cependant la colonisation albanaise évite à la fois les gorges étroites (10 maisons sur 1 718 dans le Poretché) et la basse plaine inondée : toute cette migration semble avoir déferlé sur le pourtour du bassin de Skoplié, débordant vers Katchanik et Prizren au Nord, et au Sud vers Kitchévo. Les intentions politiques qui ont présidé à cette répartition sont évidentes : les Albanais gardent les passages, les pistes de la Montagne. On ne les voit guère dans la plaine même, déjà parsemée de tchiflik turcs. Leur venue au reste amène un reflux de la population chrétienne : ainsi, abandonnant aux Albanais les zones de Débar, d’Okhrid, des Miiatsi, des habitants de Kitchévo sont venus s’installer dans le Tikvech, le Raiets, formant aujourd’hui 22,62 0/0 des habitants de ces plaines du Centre. Exemple d’un de ces îlots montant et descendant, qui submergèrent la Macédoine. II. — LA FORTERESSE DE L’EST Le massif bulgare. — A peine a-t-on dépassé les murs Nord-Sud de l’Ouest que, dès la rive gauche du Vardar, fait son apparition le massif des Rhodopes. Tandis que les plissements de la Stara planina et du Balkan se sont incurvés vers l’Est, ce sont les formes mamelonnées qui prennent possession de la surface. De-ci de-là quelques murailles calcaires déchiquetées, comme dans l’Ossogova planina (Ossogovo) qui ferme la frontière serbo-bulgare, quelques noires escalades (la Tcherna skala, au nom topique). Ou bien des roches volcaniques, andésites et trachytes, qui noircissent les pentes du bassin de Kotchané. Mais ce sont les schistes cristallins et les granités qui régnent : les sommets s’arrondissent, les pentes s’infléchissent ; et, si haute qu’elle soit, la Montagne est peuplée (v. carte 22, pl. XLVII).