LE PORT BALKANIQUE. 277 La Iougoslavie a envoyé par chemin de fer dans la zone franche en 1929 116 459 tonnes de marchandises. La Grèce, principal client, absorbe 69909 tonnes en farines et blé surtout, et aussi métaux ouvrés, sucre, pommes de terre, charbon et bois. Au total, jusqu’à présent, un marché assez faible. Les arrivées iougoslaves se traduisent surtout par des réexportations, à destination de la France (5 802 t. en 1928 surtout minéraux et métaux, 3 548 t.), de l’Allemagne (5 072 t., dont 4 186 t. de minéraux et métaux), enfin, de l’Albanie (4 126 t.), des Pays-Bas (3 162 t., minéraux et métaux), de la Belgique (2 564 t., surtout de l’orge). La zone franche apparaît donc, pour le moment, moins comme un grand port balkanique, que comme le déversoir sur la Macédoine rénovée des produits alimentaires et des matériaux de construction des grands fournisseurs mondiaux, surtout Empire britannique et États-Unis. Son exemple est une illustration — entre tant d’autres — de la vive concurrence des deux grands groupes commerciaux1. L’accès de la Iougoslavie a la mer Égée. — La création de la zone franche par elle-même ne résolvait pas tous les problèmes du transit. La position géographique de Salonique, rattachée à la Grèce comme le commandaient les rapports linguistiques et les liens maritimes, mais détachée du Centre balkanique, de la grande voie Morava-Vardar, implique toujours que le port est l’unique débouché de la « Serbie du Sud », soit de la Vieille Serbie et de la Macédoine du Nord. Le problème économique subsistait. La faible importation venue de lou-goslavie (seulement 53 400 t. en 1928), la plus faible encore exportation vers la Iougoslavie de la zone franche (20 090 t.), démontraient suffisamment que le courant naturel était entravé par les conjonctures. La question politique dominait donc la question économique. Il est nécessaire d’en dire un mot. Il faut remonter loin dans le passé pour la comprendre. Elle naît de la conjonction des deux routes, dont nous avons parlé dans notre Introduction. La route maritime — le périple égéen — est grecque. La route terrestre — Morava-Vardar — est balkanique. La petite Serbie d’autrefois, d’avant 1912, ne l’empruntait guère : ses exportations s’en allaient plutôt vers le Nord, vers l’Autriche-Hongrie, qui prenait, en 1875,25 millions de francs sur les 35 millions de l’exportation serbe, 21 millions de francs sur 31 de l’importation, en 1895, 38 millions sur 43 de l’exportation, 16 millions sur 28 de l’importation, en 1905, 64 millions sur 72 de l’exportation et 33 millions sur 55 de l’importation. Mais en 1906, l’Autriche-Hongrie, poursuivant sa politique de domination sur les Serbes, fermait sa frontière afin d’imposer le traité de commerce qu’elle exigeait. Cette « guerre des porcs » — le bétail était en tête des exportations serbes — eut le résultat inverse de celui qu’escomptaient la ferme hongroise et l’usine viennoise : il créa tout de suite un mouvement commercial vers le Sud, voire une modification des habitudes commerçantes des Serbes : on créa des abattoirs, on remplaça la vente du bétail sur pied par celle des viandes, la sortie des blés par celle des 1. Le cahier des charges du 8/20 juillet 1896 et la convention du 18/31 décembre 1904 avaient chargé de l’exploitation du port une société française, la Société /ranco-hellénique d’exploitation du port de Salonique, qui, sous l’Empire ottoman, avait entrepris les premiers travaux. A cette société la convention du 30 janvier 1930, conclue entre elle et la Commission du port de Salonique, substitue une caisse portuaire, administrée par le Commissariat de la zone franche. Le but principal de la caisse est la construction d’un bassin de 258 000 mq., profond de 10 m., formé de deux jetées de 370 et 400 m., avec des quais de 1 400 m., permettant à 15 bateaux environ d’accoster.