CHAPITRE III LES LIAISONS INTÉRIEURES Le centre macédonien. — Quand, au sortir de Serbie et de Grèce, on débouche sur la Macédoine, 011 a l’air de respirer vers des horizons élargis. C’esl la citadelle de Skoplié qui émerge des platitudes. C’est la citadelle de Salonique qui domine les eaux basses et scintillantes. La Montagne n’a cessé d’être présente : la Morava la coupe de gorge en gorge ; la Mer la morcelle de rocher en rocher. Les Grecs de jadis, d’aujourd’hui, qui aperçoivent ce château d’eau au milieu des terres sèches, n’ont pas laissé de sanctifier l’Olympe ni l’Athos. Et, soudain, elle s’écarte. Vers l’Ouest, de Salonique, on n’aperçoit qu’à 100 kilomètres l’arc montagneux dressé par l’effondrement de la Campagne. Cependant la Montagne n’est pas longtemps absente. La Macédoine tout entière est faite de cellules closes. De-ci de-là, les dislocations ont créé des bassins plus vastes. Mais partout c’est le même contraste : il n’est de steppe sèche, de marais, de lac, qui ne soit encadré de monts. Souvent le contact est marqué par des eaux vives, des chutes, des moulins, parfois même des usines. Tout autour de la Campagne de Salonique, les sources, les cascatelles, des oasis ombreuses, des villages et de petites villes soulignent l’opposition. C’est ici un premier écran, qui arrête les vents froids du Nord, qui amasse en automne les nuées propices, qui accumule les neiges hivernales, qui déverse les crues printanières. A l’abri, comme en une serre méditerranéenne, de petits bassins afîouillés par les rivières recueillaient les rares jardiniers. Telle l’Enôtia, qui fut la Karadjova des Turcs et la Mogléna des Slaves : dans cette « plaine bigarrée », l’été, des cotonniers flous et blancs, des paprikas verts et rouges, des feuilles vert sombre des tabacs, se tassaient 46 000 paysans, s’échelonnaient les villages, se partageaient, dans une distribution ordonnée et rationnelle, les eaux de l’irrigation. En arrière, le rempart irrégulier de la Nitcha : lianes pourris du Stalkov grob, dont les schistes s’écaillent en des ravins noirs; coupole granitique et neigeuse du Kaïmaktchalane, le « Fromage », géant — à 2 521 mètres — de la frontière gréco-serbe ; éboulis escarpés du Sokol, dont de rares sapins signalent la cime (1 822 m.) ; calotte chauve du Dobropolié, qu’à 1 877 mètres raient les dents de scie de la crête ; sommet abrupt du Vétrénik, qui surplombe net la plaine de son front de 1 745 mètres ; sommets blancs du Koziak qui, à 1 814 mètres, surgissent des hêtraies touffues ; piton du Koutchkov kamen, cerné de sapinières. Au delà le fossé profond de la Tserna, la « Rivière noire », et, au delà encore, l’âpreté de la « Boucle », les micaschistes, les gneiss, sans arbres, La Macédoine. 4 t