16 LES FACTEURS DE LA CIVILISATION MACÉDONIENNE. changeantes, couverte d’un fourmillement de chalets d’été, stani valaques, katouni slaves, qui au surplus ne sont pas particuliers à cette région des Balkans. Ainsi sur l’Ossogovo, le Malech, les monts de la frontière actuelle bulgaro-iou-goslave, dans la vallée supérieure de la Kriva, sur les afiluents de droite de la haute Brégalnitsa d’une part, de l’autre le long des torrents qui dévalent vers la haute Strouma, les habitations temporaires noircissent littéralement la carte : éparpillés sur les croupes herbeuses entre 1 000 et 1 300 mètres, n’abandonnant que les crêtes rocheuses (de 1 600 à 2 200 m.), les villages — immenses et fragmentés — sont parfois coupés en deux par la frontière. Du col de Guéchévo sur les cimes rondes les pâtures s’étendent à perte de vue : la ligne des fortins, des blockhaus de béton, qui, du côté serbe, jalonnent la frontière, témoigne par leur surveillance même des facilités du passage. Dans de tels lieux, une frontière est toujours une gêne. Le va-et-vient des troupeaux devait fatalement souffrir du partage de l’Empire ottoman en 1913, des rigoureuses mesures que devaient prendre les gouvernements iougoslave et grec contre le comitadjilouk de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, rejetée dans la Macédoine bulgare. De la Rila ou du Pirin descendaient, chaque automne, les troupeaux de moutons qui allaient à l’Ouest, dans l’Ovtché polié, ou hiverner au Sud, sur les plaines basses du littoral. Aujourd’hui les 20 000 moutons de la communauté aromoune de Gorna Djoumaïa doivent se contenter des pâturages plus maigres de Pétrich ou des plaines de l’Orient bulgare. Ce sont de toutes parts les mêmes doléances, aussi bien de ce côté que chez les Pomaki (Bulgares musulmans) du Rhodope, qui ne vont plus dans les Campagnes de Drama ni de Salonique. Le nomadisme pastoral à grande distance est devenu impossible. On se rend compte de toutes les difficultés politiques qui se greffèrent sur les déboires de la vieille économie. Le mécontentement de certains alimente les bandes traditionnelles dans le Centre balkanique. Contre le comitadji, le paysan complète les défenses naturelles : sur la montagne-rocheuse et nue du Malech, on voit encore, de place en place, les piquets de bois entourés de paille, torches qu’on allume en cas d’alerte ; le seloski voïvod, le « chef du village », distribue les rôles de la milice nocturne, 30 000 fusils pour le seul département de la Brégalnitsa. Mais surtout les gouvernements ont fini par s’entendre. Après dix ans de méfiance, la convention frontalière du 14 février 1930 décide de liquider les doubles propriétés, causes de troubles, par des commissions mixtes bulgaro-iougoslaves.