LES COLONIES RURALES. 167 Ainsi se transforme de fond en comble la Macédoine, qui n’est plus le pays-type des bergers. Vue d’ensemble sur la colonisation rurale. — Les chiffres ne disent pas tout. Les observations directes, les conversations particulières sont instructives. L’impression générale est que les réfugiés s’enracinent, ont pris confiance. Le plus pressé fut de donner un toit et de faire vivre. Aujourd’hui, la maison est construite, le cadastre se fait : le réfugié a conscience de sa propriété. Ce n’est plus du provisoire. Cette famille de cinq personnes, qui a vécu cinq ans dans un wagon abandonné, a maintenant son foyer. Telle autre ajoute à la maison-type un étage. Ici on met des rideaux brodés aux fenêtres, et là des fleurs, des plates-bandes. L’idée de la sécurité, du définitif, est entrée dans les esprits. Aussi bien la mortalité a diminué et la natalité augmente. Au début, la natalité ne dépassait pas 12 oo/00, la mortalité atteignait des sommets, 35 ou 36 °%o- Maintenant, la proportion est entièrement renversée : la natalité moyenne est de 33 °°/00 et la mortalité ne dépasse pas 14 00/00. La sécurité a engendré non seulement le souci de la santé, mais les préoccupations d’avenir. Ce qui a sauvé ces paysans, c’est la petite culture intensive. Raisons de climat et de sol. Raisons de psychologie aussi. Le pays, certes, s’adonne à la culture des céréales, mais pour sa nourriture propre. Jamais il ne pourra lutter, pour l’exportation, contre la concurrence des grandes terres propices, le Canada ou l’Argentine. Mais aussi le Grec du dehors, arrivé sur cette terre neuve, travailleur, patient, intelligent, se soucie peu de cette grande culture mécanique. Il aime particulièrement soigner sa terre, résoudre les problèmes, toujours nouveaux, qui se posent chaque jour, observer les résultats, les progrès. Aussi a-t-il transformé ce pays par l’introduction de cultures neuves, que l’Office a imposées et qu’il a fini, après quelques résistances, par accepter, par soigner. Le coton a pris à droite, à gauche une extension nouvelle. Le mûrier a été planté et a réussi. Ici des jardins potagers, avec oignons, choux, aulx, etc.. Là des betteraves fourragères pour la nourriture du bétail ou des prairies artificielles dans ce pays au foin rare. La pomme de terre est toute nouvelle. Nouvelles aussi les plantes à huile, qui prospèrent, comme le sésame, mais aussi des importées, comme le soja ou l’arachide. Même des textiles inconnus ici, tels que le chanvre indien. Or, pour une telle œuvre — l’établissement des réfugiés ruraux et urbains — l’Office autonome, qui va se dissoudre1 ayant achevé sa tâche,' n’a pas dépensé plus de 11 millions de livres sterling2. En Palestine, chaque maison juive a coûté en moyenne dix fois plus que cette maison grecque. Et le paysan commence à rembourser : autre preuve de sécurité. Certes on ne le presse pas, et jusqu’à présent les remboursements d’avances n’atteignent que 500 000 livres. Mais l’élan est donné : à l’Offîce, on estime qu’il se continuera au rythme de 500 000 livres par an. Cette œuvre, étayée par la Société des Nations, financée par elle, dirigée par un Américain et un Anglais, le président et le vice-président de l’Office, 1. Au 1er janvier 1930, la plupart de ses services ont été transférés aux ministères de l’Agriculture et de l’Hygiène, et la liquidation de la Direction générale de la colonisation de Macédoine se poursuit. 2. Dépenses d’établissement agricole des réfugiés du 1er janvier 1924 au 31 décembre 1928 : pour la Grèce entière 9117 362 livres, dont 6 921 173 pour la seule Macédoine (non compris les circonscriptions de Drama et Cavalla, qui ont absorbé environ 200 000 livres).