256 LA MACÉDOINE BULGARE ET LES MACÉDONIENS EN BULGARIE. boueux : tel Kara tépé — en turc la « Colline noire » — (12 km. S.-O. de Bourgas), où 250 réfugiés coudoient 523 indigènes. Installations toutes provisoires : chaumincs couvertes de paille ou même de branchages, maisons de pisé dressées par les habitants eux-mêmes. Puis, au milieu des fourrés de chênes minuscules — que la carte nomme forêt —, le village de Konstantinovo (ou Mandra : 16 km. S.-O. de Bourgas), évacué par les Turcs, abrite exclusivement ses 620 réfugiés. Pauvres gens que ces Macédoniens des abords de Démir Hissar ou de Serrés, de Ivitchévo aussi! Là-bas, en Grèce, en Iougoslavie, ils avaient de bonnes terres, cultivaient de l’opium, du sésame, du coton, bref de riches produits, du blé et du maïs. Ils se plaignent amèrement de ces terres salées, qui donnent une mauvaise orge, parfois du maïs : la récolte ne procure, bon an mal an, qu’un bénéfice de 15 000 leva, notoirement insuffisant pour nourrir la famille et payer l’avance. Mais il faut quatre à cinq ans de culture pour améliorer ces sols, tout imbus encore de sel. Pourtant l’effort se montre. Abandonnant les cahutes du bas, où la Mandra coule paresseuse parmi des jardins potagers, les réfugiés ont établi leurs demeures sur une colline pierreuse et dénudée, qui surmonte les bois de la Strandja jusqu’à la frontière turque qu’on devine. Le colon modèle ses briques, bâtit son mur, pose le toit de chaume. Trois pièces, dont un foyer : au-dessus de la cheminée une frise de melons et le fly tox, le « pistolet aux moustiques » ; les murs sont crépis à la chaux, très propres. L’étang, dont on doit baisser d’un mètre le niveau, donnera encore les terres nécessaires : car chacun n’a reçu que 1 ha. 6 ou 7 sur les 4 hectares promis par la loi. Les vieux n’oublient pas les misères passées : « Ils nous battaient, dit l’un d’eux, et nous avons fui la mort ». Us se disent « Macédoniens »; mais, « par l’église, nous étions Bulgares ». Les jeunes se mettent au travail et semblent espérer une nouvelle vie. Même contraste au Sud de l’étang de Mandra : ici les chaumines misérables, couvertes de branches, de Skef, au milieu des terres mal asséchées encore. Puis, à travers les petits bois de chênes, sur les terres plus hautes de la Strandja finissant au littoral rocheux, on gagne les champs de maïs qui s’épanouissent sur la falaise et, face à Bourgas, les maisons blanches, aux toits rouges, du petit port de Kafka. Les vignerons et les pêcheurs de la côte. — La région au Sud de Bourgas est, sauf exception, fort pauvre, parmi les dures terres buissonneuses des confins thraces ou les molles terres salées des approches de la mer. La région au Nord de la baie a un aspect bien différent. L’incertitude des étangs du Sud, où l’on ne saisit les limites de l’eau boueuse et du sol mouvant, est remplacée par les lignes droites, les digues plates et unies qui enceignent les marais salants. Le long de la courbe harmonieuse, que trace le golfe de Bourgas, fermé au Nord par la langue péninsulaire qui porte le bourg d’Ankhialo, la route passe à travers les lagunes et les cônes de sel. Mais, non loin, les premiers moutonnements, qui annoncent le Balkan, barrant l’horizon de ses formes noires, introduisent les cadres d’une nature plus amenuisée, plus facile. Les vignes s’emparent de ce sol plus rocailleux déjà : les plants bas, encore verts en cette arrière-saison d’automne, les grappes qui s’y réfugient, font contraste avec les friches et les aunes, qu’on vient de traverser dans la plaine toute nue. Foule de ruisseaux, à l’eau claire, raient les pentes de ce bref piémont, qui au midi ou à