LES COLONIES URBAINES. 203 forme la houille blanche, s’apprête à tuer les moulins. De 1920 à 1926 elle a gagné un millier d’hommes (13 349 en 1920, 14 589 en 1926). Sur les flancs du Vermion Oros, Naoussa (10 250 hab.), grâce à ses chutes d’eau, ouvre de nouveaux ateliers de filature et irrigue ses vergers. Vertécop, un peu plus au Nord, sur le chemin de fer de Salonique-Monastir, simple village il y a dix ans, se transforme de même manière. Mais les grands progrès sont ceux d’Edessa1. 3° Ce sont surtout les villes de la Macédoine orientale qui ont attiré les réfugiés. Dépeuplées des Turcs et des Bulgares, entourées de champs de tabac, qui exigent en ville la manutention ouvrière, commerçante, et le travail du banquier auquel sont particulièrement aptes les Grecs émigrés d’Asie, Serrés, Drama, Cavalla, redressent les ruines des guerres proches : de 1920 à 1926 elles doublent leur population. Serrés passe de 14 486 à 29 640 habitants, Drama de 15 263 à 29 339, Cavalla dans un élan encore plus rapide, de 22 939 à 49 980. De même les autres villes du tabac, Nigrita qui monte à 7 199, Sidirocastron (l’ancienne Démir Hissar) qui atteint 6349, et jusqu’à Langada, un peu plus à l’Ouest, qui, avec 5 152 citadins, participe à cette croissance. De simples bourgades deviennent des villes, s’annexent des faubourgs ouvriers : ainsi Pravi et Ghrys-soupolis (dans la plaine inférieure deltaïque de la Mesta), où les logements construits par l’Office pour les planteurs de tabac, citadins-cultivateurs, reçurent le trop-plein de Salonique et Cavalla. Serrés n’est plus reconnaissable. Les ruines, vestiges des incendies bulgares de 1912, sont en train de disparaître : c’était le quartier grec. A leur place, sur les décombres à l’Est de la ville, s’élèvent de coquettes villas en terrasse, à deux étages : maisons bourgeoises de plaisance, air de petits palais ceints de jardins. A la sortie de la ville, deux grands bâtiments : l’un flambant neuf, sorte de caserne à deux étages, est la colonie agricole, où logent 400 familles réfugiées de Koniah, de Smyrne et de Kars ; l’autre est l’ancien hôpital turc, devenu une école d’apprentissage, dont les immenses dortoirs, les ateliers de menuisiers, cordonniers, tapissiers, tailleurs, hébergent 170 orphelins d’Asie Mineure. Les réfugiés de Serrés même ont été divisés en trois classes : les riches, auxquels on a donné la terre, se sont construit des villas en bordure du « boulevard central », qui, du Sud de la ville mène à la gare ; les moyens ont obtenu terre et matériel ; les pauvres, qui ont reçu, en outre, de 6 à 10 000 drachmes. Ce sont ceux-ci qui habitent le nouveau faubourg Sud, 150 maisons alignées de deux étages, peuplées de sériciculteurs. Ce sont eux encore qui ont élu domicile, à l’extrême Est, à 3 km. 5 de la ville, que séparent 20 hectares de jardins potagers : il y a là 1 200 familles qui vont travailler le jour dans le centre. Les réfugiés font la nouvelle fortune de ces villes : à Drama, c’est au moins la moitié de la population qui est nouvelle : aux pieds du Rhodope, à l’entrée Ouest de la ville, sur 1 km. 500, de part et d’autre de la route, les maisons carrées des cultivateurs de tabac se pressent en deux lignes ; de même, à l’Est, se prolonge le faubourg monotone. La petite ville se modernise avec ses boutiques brillantes et ses rues électrifiées, que dominent les hautes bâtisses des manipulations de tabac. De l’ouvrier de banlieue au commerçant, qui a pignon sur la rue centrale, les cours du tabac imposent la cadence de la vie. 1. A ces villes des pentes, il faut ajouter de rares villes de la Campagne même, qui offraient les locaux vides, habités jadis par les Turcs, surtout Giannitsa (Iénidjé Vardar), qui, malgré ses 9 128 habitants, ne montre encore que les maisons de briques d’un gros village (8 683 en 1920).