CHAPITRE XI LA CAMPAGNE SANITAIRE La première œuvre d’assistance. — La tâche la plus urgente est de sauver l’homme lui-même. Les réfugiés arrivent misérables, sordides et physiquement délabrés. Beaucoup, au cours des guerres précédentes, avaient été ballottés selon le sort des armes : paysans d’Asie Mineure, qui avaient fui une première fois les Turcs dès 1914, qui étaient retournés chez eux après le traité de Sèvres, octroyant à la Grèce la région de Smyrne ; paysans du Pont (Sinope et Trébizonde), 100 000, dit-on, réfugiés d’abord en Caucasie et en Ukraine, puis s’enfuyant encore à l’approche des armées soviétiques en 1919 ; 52 878 Grecs du Caucase et de Bussie débarquèrent ainsi en 1921 à Salonique, amenant leur bétail (7 737 bœufs, sans compter les moutons, les chèvres) et le typhus exanthé-matique ; Grecs de Nicomédie et d’Aïdine suivant, lors de la grande offensive kémaliste de 1922, l’armée grecque dans sa retraite, d’abord 31 200, parmi lesquels des Arméniens et des Circassiens chrétiens, puis une nouvelle cohue de 19 500. Ces réfugiés débarqués en hâte, logés à l’improviste, encombraient les villes, Salonique en particulier, qui accueillit alors 150 548 émigrés d’Asie Mineure et de Thrace. L’incendie d’août 1917, qui avait détruit les quartiers du centre,, aggravait la situation. On construisit des baraques dans les ruines. On utilisa le quartier de Lembet, créé en 1914 au Nord-Ouest de la ville, faubourg de bois et de tôle. On logea les arrivants sous les tentes laissées par les armées alliées d’Orient, comme le campement de Zeitenlik, à l’Ouest de Salonique, ceux de Karabouroun et de Calamaria, au Sud près de 'a mer, les baraquements de Toumba au Sud-Est. Le type général d’abri était la grande baraque de bois et de tôle ondulée, de 10 mètres de long, habitée par plusieurs familles, parfois une centaine de personnes, avec cuisine commune et cloisons de draps, de toiles ou de bois mince. Ceux qui ont vu ces premiers réfugiés, comme les enquêteurs de la Commission du paludisme de la S. D. N. en 1924, ne peuvent cacher leur répulsion pour cet entassement, cette saleté, cette promiscuité. Foyer de toutes les maladies. Là sévit la terrible épidémie de paludisme qui, de juillet à octobre 1923, coûta la vie à 7 % des réfugiés de Toumba. A Salo-niqve même, où subsistaient 40 000 réfugiés (sur 250 000 habitants), 37 % moururent, surtout des enfants. Dans la Macédoine orientale, dévastée par la dernière guerre, tour à tour soumise aux Grecs, aux Bulgares et aux Grecs, les ruines étaient immenses*