INTRODUCTION LES FACTEURS DE LA CIVILISATION MACÉDONIENNE La Macédoine et l’évolution balkanique. — « Une contrée est un réservoir où dorment des énergies, dont la nature a déposé le germe, mais dont l’emploi dépend de l’homme ». Cette définition, dont part Vidal de la Blache pour dérouler l’évolution française, on peut aussi, à l’autre bout de l’échelle de la civilisation, l’appliquer à de rares contrées européennes. La Macédoine est le type de ces régions arriérées. Au début du xxe siècle ses forces physiques étaient encore latentes ; les forces humaines y sommeillaient. Pays de civilisation bornée, elle est restée à l’écart de l’évolution balkanique. Pays de civilisation mêlée, elle a cependant reçu du dehors des semences, des sources de vie. Et il suffit d’une alluvion humaine pour que s’épanouisse la vie. L’évolution politique de la péninsule des Balkans, lent et régulier courant du xix® siècle, frôlait, sans les atteindre, les terres macédoniennes. De 1804 à 1903, tout autour d’elles, se formaient les États modernes, chacun sur une route où la nature semblait faciliter par avance, en dépit des accidents, la tâche des soldats et des diplomates. La lente montée serbe s’inscrit sur la carte avec la route de la Morava et, de bassin en bassin, de défilé en défilé, finit par atteindre les eaux qui s’écoulent vers le Sud. Le périple grec autour de l’Égée s’accroche aux caps rocheux, s’insinue dans les golfes abrités, finit par aborder l’extrême littoral Nord. A l’Est, la concentration bulgare s’opère sur les terres découvertes, étalées de part et d’autre du Balkan. A l’Ouest, dans ses étroites et hautes vallées closes, s’essaie une concentration albanaise en benjamine de ces nations. Aux portes macédoniennes, les chemins sont ouverts à trop d’ambitions rivales : la Macédoine reste asservie ; l’Empire ottoman, peau de chagrin des nations en révolte, la conserve jusqu’à la révolution de 1903, cause première de la crise finale. La Macédoine ne participe pas davantage à l’évolution économique de l’ensemble des Balkans. Dans tous les domaines affranchis se formèrent, tardivement mais rapidement, des démocraties rurales. La péninsule des Balkans est, en général, un pays de cellules closes, petits champs aux horizons bornés par la Montagne toujours proche, qui s’accommodent aisément des petites tenures féodales ou des petites propriétés démocratiques. Le jardinier grec mesure le sol arable parcimonieux et l’eau rare sur l’étroite terrasse qui limite son olivette