102 LA NOUVELLE MACÉDOINE IOUGOSLAVE. Les villes : la croissance urbaine. — Ce commerce a son influence sur le développement des villes. Mais toutes ne croissent pas uniformément. La boutique ou le marché de la petite ville subit inévitablement la concurrence du magasin ou des halles, quand les communications deviennent plus faciles, et c’est le cas en Macédoine. L’irrémédiable décadence de la petite ville s’accentue. Kavadartsi n’a plus que 5 500 habitants, au lieu des 10 000 de jadis, et semble dépeuplé entre ses grands jardins. Stroumitsa, avec ses maisons vides, paraît abandonnée, malgré la richesse qui lui vient du tabac, du coton et de l’opium : sa population est tombée de 25 000 à 5 000 ; les faubourgs sont en ruines, mais le centre s’anime, avec ses boutiques neuves, ses trottoirs de béton. Chtip, dans son cercle de collines échauffées au midi, a recouvert ses pittoresques maisons bleues et jaunes d’un uniforme badigeon de chaux : malgré le départ d’un millier de Turcs, elle a gardé sa densité : 11 662 habitants en 1920, 12 204 en 1928. Prilep aussi est stationnaire, quoique 2 500 musulmans aient émigré : elle a encore 23 000 âmes (22 000 en 1920), dans la plaine riche de tabac. A l’autre extrémité de la Pélagonie, malgré son vieux bazar déserté encore par 5 000 Turcs de 1920 à 1928, mais restaurée de magasins modernes sur la rive droite du Dragor, Bitolj se stabilise à 34 500 habitants (32 000 en 1920). Les bourgades de l’Ouest, non loin de la frontière albanaise, Strouga, Débar, Gostivar, Tétovo, gardent, avec leurs minarets, leurs éventaires de bazar, l’aspect séculaire de gros villages orientaux. Au contraire, l’ascension de Skoplié continue. Des magasins nouveaux s’ouvrent à chaque printemps : un millier depuis 1919. Des maisons neuves s’édifient chaque été : 144 en 1924, 127 en 1925, 166 en 1926, 230 en 1927, 183 en 1928 ; au total, en dix ans (1918-1928), pas moins de 1 127. La croissance de la population est non moins régulière : 62 432 habitants en 1923, 64 243 en 1924, 66 934 en 1925, 69 269 en 1926, enfin, au recensement des 3-4 août 1929, 73 196. Mais la proportion des langues n’est plus celle d’autrefois: la décadence des « Turcs » s’accélère (26 270 en 1926, 24 789 aujourd’hui) ; les Juifs sont à peu près en nombre fixe (2 507 et 2 417) ; en revanche, comme il convient, les Slaves l’emportent (38 392 et 43 435). L’affluence se porte sur les points de la ville où jardins et prairies permettaient les constructions. Les vieux quartiers ne bougent guère : à peine ouvre-t-on quelques voies nouvelles, élargit-on le boulevard qui traverse le quartier slave, face au pont de fer sur la rive gauche du Vardar. Les auvents du bazar turc, souvent occupés par des boutiquiers serbes, les maisons fermées du quartier juif ne laissent pas de place aux nouveau venus. Sur le quai même, les bâtiments neufs, l’université, le théâtre, attestent tout au plus dans la ville l’entrée de nouvelles préoccupations. Sur la rive droite, au contraire, la ville neuve s’étend de plus en plus. Au Sud, au delà de la gare, c’est une vague banlieue industrielle, les cheminées de rares usines : les ateliers du chemin de fer, une minoterie, une brasserie, une savonnerie, et, derrière les murs de pisé gris, les manutentions des tabacs. C’est le début d’une transformation que rendait saisissante l’exposition d’échantillons de 1929. A l’Ouest, dans le nouveau quartier de Bouniakouvats, de petites maisons bourgeoises, villas pour une famille, se bâtissent, un peu au hasard sur le tracé des nouvelles rues. Le ciment armé, bon marché, domine. Quand des îlots se sont formés, s’agglutinent les boutiques utiles, les épiceries, les boulangeries. Les rues sont encore pou-