CHAPITRE XXV LES CONDITIONS DE LA RECONSTRUCTION Les données du problème. — Problème vraiment colossal, à la fois démographique, économique, technique et social. L’incendie de 1917 a jeté sur le pavé 72 000 sinistrés. La nouvelle guerre contre la Turquie amène à Salonique 20 000 réfugiés d’Asie ou de Thrace. La convention de Lausanne a pour résultat l’afllux de 97 000 autres émigrés. Retranchons environ 40 000 musulmans, qui regagnèrent la Turquie anato-lienne. Il restait environ 150 000 personnes sans abri, les 3 /5 de la population salonicienne. Telles sont les données statistiques de ce problème du logement. La surface totale de la zone brûlée était de 128 hectares (dont 99 sans compter l’emplacement des rues) : c’était — nous l’avons vu — tout le centre de la ville, la partie la plus commerçante, avec les banques, les bazars, une série d’entrepôts. Le noyau même de Salonique est à refaire. Une table rase. Des circonstances, cependant néfastes, une amélioration peut jaillir. Rarement les temps actuels donnèrent aux urbanistes de la vieille Europe un pareil champ d’expérience. C’est d’abord une ville ancienne à respecter, ses éternelles bases géographiques, ses vestiges historiques aussi. Ce n’est pas sans raisons que cet amphithéâtre urbain s’étage aux flancs du Khortiatch et face au soleil couchant. Ce n’est pas sans cause que le site choisi est la partie la plus resserrée du golfe, aux eaux calmes et délivrées des boues alluvionnaires du Vardar. Le site salo-nicien ne peut être que conservé. Et le passé de la ville, ces monuments romains, byzantins, musulmans qui en font un trésor d’art, doit être sauvegardé, au besoin mis en valeur, dégagé des masures qui emprisonnaient ces bijoux, et, dans la mesure du tact et du possible, garé des outrages du temps. Voici encore le genre de vie méditerranéen qui impose ses exigences : ce ciel impitoyablement, ensoleillé l’été, ne veut point des larges avenues sans ombre, telles que peuvent les concevoir les architectes de l’école des paysages nuageux ; ce Midi réclame pour le moins des arcades. Enfin, cette grande ville commerciale a ses mouvements réglés par avance : sa circulation reste essentiellement Ouest-Est ; son port, au premier chef de distribution macédonienne, de réexportation balka- 1. Ce chapitre et le suivant doivent beaucoup aux entretiens et aux papiers de M. Ernest Hêbhard. La restauration de Salonique est l’œuvre de ce grand urbaniste. Non content de nous accueillir à Paris et dans son domaine, il a bien voulu mettre à la disposition de notre curiosité sa volumineuse documentation et nous autoriser à reproduire ses minutes. Qu’il veuille trouver ici l’expression de notre admiration pour son œuvre et de notre gratitude pour son aide.