96 LA NOUVELLE MACÉDOINE IOUGOSLAVE. de colons ont pris la place des 40 turques émigrées. Ce sont surtout des Chopi (21 familles de Bossilégrad), des montagnards, qui jadis étaient des petchalbari. A Sopot (6 km. N. de Kavadartsi), les deux épars coupés par la rivière ont donné asile à 40 familles, dont 24 du Banat et de la Batchka. Kouria (10 km. N.), dans une oasis d’arbres née de la Kouriantchka réka, petit affluent de droite du Var-dar, hospitalise, au lieu des 40 familles musulmanes, 17 familles, surtout de Pirot : les petites maisons de bois et d’osier montrent encore le harem séparé du corps de logis, grillagé, fermé, devenu le grenier à maïs. Sur l’autre rive, un ancien tchiflik, aux longs bâtiments autour de la cour, abrite 20 familles, dont 10 de Pirot. Palikoura (12 km. N.-O. de Kavadartsi) est tout entier un ancien tchiflik, dominant sur une haute falaise la vallée plate de la Tserna : avec les tchiftchia, affranchis, lotis, se sont partagé la terre 30 familles de colons (de Nich et de Pirot), dont 4 Russes émigrés de Tchécoslovaquie. Avec la vallée de la Tserna, basse et marécageuse, nous abordons un troisième aspect du pays : le Tikvech plat et humide. Les villages se succèdent sur les deux rives de la Tserna, zigzaguant en méandres au sortir de ses gorges. Un air de prospérité, qui ne paraît pas ailleurs. Rares sont les petits chevaux qui courent en rond sur l’aire où le grain s’étale. Le bruit des machines à battre sort de l’étuve de la vallée. A côté des vieilles masures de pisé, se dressent des demeures de ciment et de tuiles. Ainsi, à Rossomane (10 km. 5 N.-O. de Kavadartsi), sur la rive gauche, où 40 familles du Nord sont venues, de 1923 à 1925, renforcer les 70 familles turques, qui sont restées (sur 150). A Tersténik (9 km. O.-N.-O. de Kavadartsi), sur la rive droite, le village turc, de boue, en haut, est abandonné ; en bas, proches de l’eau, mais surélevées, en pierres et tuiles, entre des blés et des pavots, les maisons neuves de 16 familles. Là encore la population est entièrement renouvelée. Ainsi de tous les coins du jeune royaume serbe-croate-slovène — et même parmi les Slaves macédoniens de Grèce — des émigrés sortirent pour mettre en valeur les terres macédoniennes. La Macédoine iougoslave, avec 39 632 colons — dont 26 104 indigènes — se complétait par un microcosme de la nouvelle Iougoslavie (v. tableau-annexe, p. 104). Les coopératives agraires. — Les raisons de la supériorité de cette seconde colonisation sur la première furent sans doute, au premier chef, la campagne antipaludique, le don de l’eau aux paysans, l’ébauche de groupement des colons par pays d’origine. Une autre cause de ce premier succès — qui suit l’échec — fut cette solidarité rurale, dont l’Ëtat fut sans doute l’initiateur, mais qui ne pouvait se manifester que par les colons eux-mêmes. Le mouvement des coopératives agraires, dont nous avons vu les débuts, prit une ampleur nouvelle. Les fautes d'organisation, de gestion avaient été grandes1 : l’intervention des politiciens transformait ces sociétés de crédit en associations de bienfaisance, qui ne favorisaient évidemment que la clientèle des clubs au pouvoir. Il a fallu un vigoureux redressement pour faire comprendre que le crédit ouvert au colon — et qui se montait parfois à 80 000 dinara — n’était pas une sportule électorale, pour écarter les incapables et les prévaricateurs. L’Union des Coopératives agraires (Pravila agrarné zaiédnitse) fut totalement refondue en 1926. Elle se présenta comme l’intermédiaire entre l’Ëtat créancier et les paysans débiteurs. 1. Cf. sur ce point Slijpcevic : art. cit. (Nova Evropa, 26 août 1928).