LA PLAINE DE BOURGAS. 255 champ à planter en maïs, quelques vignes et un jardin. Il s’est mis de bonne heure à la besogne, sans attendre, pour le défrichement, pour le labour, le tracteur à vapeur, qu’on voit à l’œuvre à l’orée même du village. Et dès l’an passé la récolte du maïs a rapporté à un de ces rudes Thraces basanés, qui nous parle, la coquette somme de 50 000 leva. De Iambol vers l’Est, c’est la plaine qui reprend dans toute sa monotonie. Au Nord, l’horizon est barré par les pentes douces, les sommets arrondis et dénudés du Balkan, qui s’abaisse de plus en plus. Au Sud les collines du Baba-djik — dernières avancées de la Strandja — montrent leurs bois qui cachent les monastères. Mais vers l’Est c’est la parfaite platitude. De temps à autre, un immense village : tel Straldja (23 km. N.-E. de Iambol), à côté duquel — 2 kilomètres — est bâtie la colonie d’Athollovo, que nous avons décrite d’autre part : pimpantes maisons doubles qui dominent les anciens marais et le Marach canalisé. La moitié des 90 familles est formée de Macédoniens de Serrés, chassés en 1924 par des émigrés d’Asie Mineure : cultivateurs, ils sont restés cultivateurs, mais se sont mis à la betterave, qui convenait à ces alluvions. De l’autre côté du marais, à 5 kilomètres Nord de Straldja, au pied même du Balkan, Seïmen est un type de village mixte : 1 000 habitants, dont 450 réfugiés ; les parties hautes du marais asséché ont fourni les terres, près desquelles s’élèvent 15 maisons neuves et qui attendent 27 autres. Les hommes se plaignent plutôt de la richesse de la terre, qui doit porter quatre ou cinq ans du tournesol, delà betterave avant de tenir le maïs ou le blé. Non loin de là, sept tracteurs Fordson avec charrue défrichent la terre, entre 4 et 20 hectares par jour. On a ainsi défoncé, labouré 4 000 nouveaux hectares. Le gros bourg de Karnobat — sous-préfecture de 8 944 âmes — a recueilli un millier de réfugiés (249 familles). Le nouveau faubourg agricole élève ses petites maisons blanches sur une éminence isolée à l’entrée Ouest de la ville. Il n’y a pas ici pourtant seulement des agriculteurs. Des artisans se sont installés dans la petite ville, une quarantaine de Macédoniens de Iénidjé Vardar, Kitchévo, Débar (Dibra), partis de là-bas dès 1921. Avec eux on saisit la différence entre l’esprit du paysan et celui du citadin. Le président du bratsvo de bienfaisance attend un « changement de régime » pour retourner à Kostour (Castoria), son ancienne patrie : là, de 1912 à 1917, il avait suivi les classes de l’école bulgare ; il s’est enfui durant la guerre à Cavalla, puis à Bourgas. Il est ici pâtissier. Il est tout à fait déraciné, sans nulle attache avec la terre. La route file droit vers le Nord-Est. Après Aïtos, autre sous-préfecture de 8 480 habitants, grand marché abrité dans un recoin du Balkan juste devant la plaine, le paysage reprend son ampleur nue : 30 kilomètres entre les chaumes jaunies ou les frais labours, les sillons tout noirs. Puis, de toutes parts, les nappes des étangs. Au bord des plus lointains brillent les amas de sel. La courbe harmonieuse du golfe de Bourgas, ouvert au Sud-Est : la côte Nord est plate jusqu’à la pointe d’Ankhialo, toute blanche, sauf les levées grises des digues des marais salants ; le Sud, montueux, est bleui par la nuit qui tombe. Nous sommes dans la région maudite du paludisme. La route, qui sort de Bourgas vers le Sud-Ouest, est cernée par les deux étangs de Vaïakoeil et de Mandra, qu’on se propose d’endiguer, de drainer, d’assécher partiellement. Mais le travail n’est pas commencé encore. Des ondulations couvertes de chardons, seule végétation de ces coins mornes. De petits hameaux misérables dans des vallons