LA SECONDE COLONISATION. 91 sur la rive gauche) : ici 5 familles de Lika, 3 de Dalmatie, 8 d’Herzégovine se mêlent à 20 de Serbie. Troubarévo (8 km. E.) est un village complètement neuf, bâti sur la route par-dessus des marais asséchés : 32 familles (de Serbie, Bosnie, Herzévovine, Lika et Monténégro associées à des tchiftchia de la région) y cultivent, sur une terre humide, le maïs et les légumes. Idrizovo (12 km. E.) est une colonie pénitentiaire, qui a défriché l’ancien marécage. A l’endroit où la vallée se resserre encore, Rjanitchané (18 km. E.), groupe 40 familles indigènes et 38 immigrées, dont 13 de Lika, 5 de Dalmatie, 7 de Serbie ; abritées par les monts que coupe le défilé de Taor, apparaissent quelques vignes et, avec une plus grande densité, la maison à deux étages (v. carte 7, pl. XXI). Les colonies dalmates de l’Ovtché polie. — L’Ovtché polié, la « plaine des brebis », n’était, il y a dix ans encore, qu’une steppe ondulée et inculte, peuplée de Iourouk (Turcs nomades) et de Valaques, qui n’y passaient que l’hiver ; ils se rendaient l’été dans le Krivi kamen (0. de Kriva Palanka) et sur les pacages de l’Ossogovo avec leurs 25 000 moutons. 120 familles turques sont parties de 1923 à 1927, ont gagné l’Anatolie. Quant aux Valaques, quelques-uns sont restés, mais ont abandonné la transhumance : telles les quatre familles aro-mounes d’Erdjéliia, qui ont quitté définitivement leurs cabanes d’été de la Bré-galnitsa, ont en 1926 acheté la terre des Turcs, fixé leurs 1 060 brebis et leurs 20 chevaux, vivant toujours au reste de la vente des fromages. Tout autour des villages la culture a pris la place des pâturages d’autrefois : blé, orge, avoine surtout poussent à merveille sur la terre noire et, entre les glanes de l’été, le pavot d’opium jette ses notes claires. Le samedi, jour du marché à Svéti Nikola, le chef-lieu de l’Ovtché polié, dont la tour municipale et le clocher orthodoxe dominent seuls, à côté d’un minaret en ruines, la monotonie de ces plaines, de toute la campagne paysans arrivent derrière les petits chevaux et les ânes, chargés de hottes de fruits, de melons et de légumes. Singulière petite ville qui ne s’anime que l’hiver ; les boutiquiers-cultivateurs, qui forment la majorité de 2 370 habitants, ne lèvent leurs auvents qu’aux mauvais jours. Aux beaux jours, on est dans les champs. Et dès les moissons engrangées ou les brebis tondues, marchands de Koumanovo viennent enlever la récolte, envoyer à Salonique les 400 wagons de blé, à Leskovats les 5 wagons de laine qui partent d’ici tous les ans. Les chaumes sèchent sur place. Et les boutiques rouvrent. Ce sont surtout les petits villages du centre qui ont reçu les colons (v. cartes 5 et 6, pl. XVIII-XIX). Vidés de Turcs, ils se sont repeuplés de Serbes. Sans doute les mécomptes du début ont laissé leurs traces. Nous avons vu que nombre des premiers colons du début, surtout des montagnards slovènes, étaient repartis à jamais. D’autres sont restés et d’autres sont venus encore. Les plus nombreux sont les Dalmates, mêlés au reste à quelques familles de Lika, d’Herzégovine, du Monténégro, de toute la zone karstique du Primorié, du « Littoral », dont le calcaire dur et sec n’a guère d’attraits, rend difficile la lutte pour la vie. Tout au plus trouvent-ils ici la même sécheresse dans ce sol sableux. Du jour où l’État a compris la nécessité de donner de l’eau d’abord, la colonisation, incertaine, s’est fixée enfin : il n’a pas fallu moins de 500 000 dinara pour amener de l’eau aux quatre épars de la commune d’Erdjéliia ; on a dû creuser à 68 mètres le puits principal ; même travail pour ouvrir le puits artésien de Svéti Nikola. Une fois l’eau obtenue, la culture est heureuse : le rendement du blé