— 32 — de la plainte que provoqua chez nous la chute de Venise. « Mais Venise ne pouvait pas éviter les conséquences des desseins qu’elle avait à notre égard. Si, d’un côté, elle laissait libre cours au sentiment national, dans les guerres séculaires qu’elle menait avec nous contre l’ennemi commun, plus pour son intérêt que pour le nôtre (de quoi nous ne lui faisons aucun grief, puisque nous approuverons toujours le gouvernement qui cherchera son propre avantage dans l’avantage des gouvernés) ; d’un autre côté elle éprouvait l’inévitable besoin de contenir ce sentiment dans des bornes qui l’empêchassent de lui devenir nuisible. De là, dans le régime intérieur du pays et surtout dans la législation et dans l’enseignement, résultait la prédominance de l’élément italien, lequel trouva une solide pierre d’attente dans les communes libres qui florissaient sur nos côtes, souvenir et relique de la civilisation latine submergée sous les al-luvions barbares ; de là, aussi, le total abandon des traditions et de la culture nationale, quoique cet abandon fût très inférieur à ce qu’il devint dans la première moitié de ce siècle. La classe cultivée, la noblesse surtout, gouvernait pour ainsi dire exclusivement le pays et elle était italienne ou devait s’italianiser, se modelant sur les usages et obéissant aux coutumes et aux aspirations de ses maîtres, qui la com-