Un avertissement que la nation serbo-croate était toujours très vivante; un symptôme du malaise chez cette nation déjà opprimée et éparpillée, rejetée de son cadre politique pour servir d’objet de compensation ou de « marche » militaire aux puissances étrangères. Pendant ce XVIme siècle si agité en Dalma-tie, deux phénomènes nationaux témoignent de l’indestructible vitalité du slavisme méridional. De nouvelles et puissantes migrations sous la poussée ottomane infusent au peuple dalmate le riche sang serbo-croate des provinces limitrophes. C’est ainsi que, par exemple, le littoral de Makarska fut en grande partie repeuplé d’immigrés de Bosnie-Herzégovine, qui poussèrent jusqu’en Italie. (Ce sont les Slaves de la préfecture italienne méridionale d’Aquila, alors que nous ne connaissons pas de colonie d’émigrés italiens en Dalmatie). Le comté de Poglizze, fondé au Xle siècle par des nobles de Bosnie, auxquels se joignirent en 1214 plusieurs familles nobles croates chassées par les Mongols avec le Roi Béla IV, ce comté de Poglizze — qui s’était placé sous le protectorat de Venise — fut aussi en partie repeuplé de transfuges bosniaques au XVle siècle. Ces migrations serbo-croa- l tes s’opèrent lentement, pacifiquement, organiquement. Venise — qui ne se souciait guère du caractère national de la Dalmatie — les encourageait. Elle y voyait de nouveaux réservoirs de soldats pour la défense de sa gran-