AUX LECTEURS Le dernier grand marché des peuples s’est tenu à Vienne en 18Î5. Quoiqu’elles eussent déclaré qu’elles combattaient Napoléon pour servir la cause de l’indépendance et de la liberté des nations, les Puissances Alliées avaient établi ce qu’on appelait les « Commissions de Statistique ». Là, fut élaboré tout le néfaste traité de Vienne. Comme de simples troupeaux de brebis, les peuples passaient de main en main, à travers les débats des commissions. On invoquait des droits historiques, des raisons de stratégie, de politique, d’économie. Les commissions interrogeaient seulement le parti le plus fort. Par les soins de la police impériale et royale, l’atmosphère de Vienne était rendue peu respirable aux représentants des petits et des opprimés. Des provinces entières et des royaumes furent répartis entre les grands souverains assemblés à Vienne après Leipzig et Waterloo ; et selon la convenance de chacun d’eux pour la possession de tant de kilomètres carrés et de centaines de milliers d’âmes humaines. Ainsi naquit l’Europe du Congrès de Vienne, vingt ans après la prise de la Bastille. Le grand polype, le marchand le plus favorisé, ce fut l’Autriche.