— 215 — chansons de geste et embellissant d’additions imprévues le rêve impérial.1 Incessantes dans le cours des siècles furent les migrations de ce peuple persécuté et jusqu’à nos jours obligé de lutter pour maintenir son droit à l’existence et son droit à la possession d’une patrie. Les Serbo-Croates peuvent dire de leur nation ce que Joseph de Maistre disait, au début du siècle passé :« Nous ne sommes broyés que pour être mêlés ». Parler du peuple de Dalmatie et de Croatie d’après les clichés officiels d’il y a soixante-dix ans — qui sont au fond ceux du romantisme — parler de race esclave et de race maîtresse, de race superposée et non 1 Les plus jolies variantes des chants nationaux serbes sont originaires de Dalmatie. Dans sa belle traduction des «Chants illyriens», Tommaseo en a reproduit plusieurs. Vouk Stefanovitch Karadjitch (1782-1864) dont le recueil monumental des chants nationaux serbes a fait époque et qui a été le grand artisan de la démocratisation de la langue serbo-croate (orthographie phonétique, adoption du dialecte herzégovinien comme langue littéraire, etc.) a plusieurs fois visité la Dalmatie. En 1862, il fut l’hôte de mon père à Spalato. Dans cette ville, il recueillit de nouveaux chants, il incita le cénacle national dans la ville italianisée à persévérer dans la lutte pour l’émancipation slave de la Dalmatie. Celui qui est à juste titre appelé le Père de la littérature moderne serbe, ne fut non plus épargné par les détracteurs de l’âme yougoslave. Pour avoir simplifié l’ai-