- 34 - der son apparence de grande puissance, mais aussi pour exister. C’est seulement, (et nous ne cesserons d’insister sur ce point capital), c’est seulement à partir du XVIIIe siècle que le bureaucratisme vénitien étendit ses toiles d’araignée sur la province épuisée. Celle-ci, n’ayant plus à remplir négativement son rôle de rempart contre les Turcs, affligée par la peste et par la famine, très dépeuplée, voyant réduite de beaucoup sa classe cultivée qui n’avait plus de fonctions à remplir ; sommeillante et sans but ; travaillée par de grandes difficultés agraires auxquelles s’efforça vainement de porter remède la loi Gri-mani (1756), si semblable aux lois autrichiennes des confins militaires, la Dalmatie, dis-je, parut se résigner au rôle d’échelle de caravanes, de cordon sanitaire et militaire et de succursale des Casinos des nobles de la Dominatrice. Le peuple s’écartait d’une classe supérieure toujours plus oligarchique et toujours plus désœuvrée. N’étant plus parlé qu’en vertu de la force d’inertie, l’idiome italien avait, pour ainsi dire, épuisé sa mission d’agent de la civilisation latine dans un monde un peu chaotique et arythmique tel que le monde slave. Mais il n’avait pas réussi à mouler d’après son propre modèle l’âme d’un peuple. Il n’avait pas créé