LA COURONNE DE VENISE tanes, où Chateaubriand parle du Tibre, qui doit sa couleur limoneuse aux pluies tombées dans les montagnes d’où il descend. « Souvent, dit-il, par le temps le plus serein, en regardant couler ses flots décolorés, je me suis représenté une vie commencée au milieu des orages : le reste de son cours passe en vain sous un ciel pur; le fleuve demeure teint des eaux de la tempête qui l’ont troublé dans sa course. » La vie de Byron s’écoula presque toute dans la tourmente, et je comprends l’impression profonde qu’il éprouva, à la Chartreuse de Ferrare, en lisant une inscription mortuaire qui portait simplement : Implora pace. « Tout est là, écrit-il dans une lettre, tout est là, l’impuissance, Thumble espoir, l’humilité... J’espère que celui qui me survivra, quel qu’il soit, et qui me verra porté au quartier des étrangers dans le cimetière du Lido, veillera à ce que ces deux mots et pas d’autres soient gravés sur ma pierre. » Le désir de Byron ne fut point exaucé. Il ne repose pas sur les sables de la lagune, près de cette mer qui tant de fois avait roulé son beau corps. Et la paix qu’il implorait, ni son souvenir ni ses œuvres ne l’inspireront jamais. Ses vers continuent à souffler l’héroïsme. D’avoir seulement évoqué sa mémoire, un jour, à Venise, Mickiewicz sentit se réveiller les nobles ardeurs qu’avait un moment assoupies le calme de Weimar, conseilleur d’égoïsme. Nulle figure n’est plus excitatrice que celle de Byron. Mais comment nous ap- — 20 —