LA COURONNE DE VENLSE sont trop pareillement splendides. D’ailleurs, de nombreux morceaux sont lâchés, peints mollement, à peine indiqués; les sujets, le plus souvent insignifiants, n’ont pas de lien entre eux. Mais qu’importe? On n’avait pas demandé à Véronèsedes tableaux, mais delà décoration. Il devait simplement embellir des surfaces, clouer en quelque sorte, en guise de tapisseries, des fresques brillantes sur les murs. Quelle tâche eût pu mieux séduire celui qui fut le plus charmant des conteurs, le plus habile metteur en scène des fêtes vénitiennes ? Mais n’y cherchez aucune pensée, aucune expression de la vie intellectuelle ou morale. Véronèse est une main et non un cerveau. Jamais palette plus éblouissante ne fut à la disposition d’un artiste moins instruit; pour lui, les règles esthétiques se bornaient, suivant sa réponse célèbre au Tribunal du Saint-Office, à mettre dans un tableau « ce qui fait bien ». 11 déclarait également que « le peintre avait droit aux licences des poètes et des fous et qu’il continuerait de peindre selon sa compréhension des choses ». Dans la ville du caprice et de la fantaisie, nul n'essaya moins de se soumettre à d’autres règles. Vérité historique et chronologique, exactitude des lieux, des types et des costumes, lois de la perspective et de l’architecture : rien ne le gêne. Et que lui importe d’être absurde, s’il est charmant ? Or, il est toujours charmant et nulle part plus qu'ici, dans cette villa Barbaro où l’on — 86 —