LA COURONNE DE VENISE vases à moitié effrités. Des socles branlants portent des corbeilles de fruits sculptés où le soleil met des reflets luisants. Maîtresses des lieux, les mousses, les vignes vierges et les tiges flexibles du lierre ont enlacé les marbres à leur fantaisie. L’abandon et la vieillesse, si lamentables pour les demeures, donnent à ces jardins je ne sais quelle grâce prenante que nous goûtons profondément ; plus qu’à la patine du temps et qu’à la majesté des ombrages grandis, nous sommes sensibles à leur mort commençante. Nous les connaissons au moment où la vétusté les pare d’une séduction souveraine. Leur délabrement nous les rend plus chers. Nous les regardons avec tendresse, comme au chevet d’un ami qui va nous quitter, nous nous reportons en arrière pour savourer amèrement les joies éprouvées en commun, qui nous paraissent plus belles encore d’ètre mortes à jamais. De nombreuses statues peuplent ces rives. C’est à peine si l’ardente imagination d’Annunzio les a multipliées, dans une page du Feu, où il en voit partout, au milieu des vergers, des vignes, des choux argentés, des légumes, des pâturages, sur les tas de fumier et de marc de raisin, sous les meules de paille, au seuil des chaumières, « blanches encore, ou grises, ou jaunes de lichens, ou verdies par les mousses, ou bigarrées de taches, et dans toutes les attitudes, et faisant tous les gestes, Déesses, Héros, Nymphes, Saisons, Heures, avec leurs arcs, — 16 —