LA COURONNE DE VENISE La route est bordée de platanes et d’ormes puissants dont les feuillages se penchent sur les canaux d’eau vive qui longent la chaussée. De chaque côté s’étendent les champs dorés des maïs d’où surgissent, à l’horizon, les flèches des campaniles. De lourds pampres s’enroulent aux mûriers et aux arbres fruitiers. Cette abondance aimable a frappé tous les voyageurs. Quand Maurice Barrés parcourut ce Veneto agricole que l’automne charge de fruits, il le trouva « sociable et voluptueux comme un Concert de Giorgione ». 1 Trévise est située sur la Sile qui reçoit, au milieu même de la ville, un petit ruisseau, le Botteniga, qui jadis s’appelait le Cagnan, ainsi que l’indique un vers du Paradis, où Dante désigne ainsi Trévise : E dove Sile e Cagnan s'accompagna. Les deux rivières se divisent en plusieurs bras qui alimentent une série de canaux et de fossés. De nombreux jardins laissent pendre leurs verdures sur l’eau ; certaines perspectives rappellent des coins de Venise et même de Bruges. Si souvent je suis venu à Trévise que j’y puis, cette année, goûter tout à mon aise le charme des retours et de ces heures où, débarrassé du souci de connaître et d’apprendre, on savoure seulement la joie de regarder. Que — 110 —