SUR LES PRÉ ALPE S DE VÉNÉTIE son traité Délia vita sobria, ce qu’on pourrait appeler le code du parfait dilettante. Avec quel amour il nous dépeint « sa belle maison de Padoue, si merveilleusement située, si habilement protégée contre les ardeurs de l’été et les rigueurs de l’hiver, avec ses jardins arrosés d’eaux courantes ». Au printemps et à l’automne, il ne connaît pas de plus grande volupté que de passer quelques semaines dans sa villa, sur une hauteur « d’où l’on a la plus belle vue sur les monts Euganéens ». Presque tous les écrivains italiens — sauf Dante et Leopardi dont les pessimismes, si différents d’ailleurs, s’expliquent par des raisons très particulières — chantèrent la joie de vivre. L’appétit du plaisir devient souvent ici une sorte de délire, de frénésie qui faisait dire à Gæthe un soir de mardi-gras : « Il me semble que j’ai passé cette journée avec des fous. » En aucun pays, les fêtes publiques ne furent une préoccupation aussi essentielle; les plus grands artistes y rivalisaient d'ingéniosité. Palladio lui-même construisit l’arc de triomphe élevé en 1574, à Venise, pour la réception de Henri III. Le carnaval, les retraites aux flambeaux, les feux d’artifice sont d’invention italienne. Ici même, à Vicence, dès le xive siècle, un chroniqueur nous parle d’une fête donnée par le collège, des notaires où « une composition ignée s’embrasa avec un tel fracas que la plupart des assistants frappés de terreur tombèrent à la renverse ; on vit en traits de feu le Saint-Esprit, les Pro- — 67 —