LA COURONNE DE VENLSE D’ordinaire, nos compatriotes, retenus parles charmes de Venise, ne la quittent qu’au dernier moment, quand sonne déjà l’heure du retour. Moi-même, si curieux pourtant des moindres coins d’Italie, qui, tant et tant de fois, ai parcouru cet adorable Veneto qu’empourpre l’automne, jamais encore je ne m’étais résolu à dépasser Conegliano et à prendre les quelques journées nécessaires pour visiter le Frioul et sa capitale. Cette année, je me suis décidé. Débarqué à Udine un soir de septembre, j'ai éprouvé, le lendemain, cette joie, si douce aux vrais voyageurs, de l’éveil dans une ville que l’on ne connaît pas, mais que l’on sait pleine de promesses. La veille, un omnibus aux vitres tremblotantes a suivi des rues mal pavées et à peine éclairées; on a vaguement aperçu des silhouettes de monuments qu’on essaie d’identifier d’après le plan du Bædeker; mais, en somme, toutes les surprises de la découverte restent encore. Certes, celles-ci ne sont pas toujours agréables, et, souvent, le premier contact avec la ville nouvelle déçoit; ce n’est que peu à peu qu’on en goûte les séductions discrètes. Ici, la révélation fut immédiate. L’arrivée sur la petite place baignant dans la lumière matinale, la montée au Castello, et, du haut de l’esplanade, la vue circulaire sur l’immense plaine frioulienne déployée autour d’Udine comme un double éventail, compteront à jamais dans mes souvenirs pourtant si riches en impressions de ce genre. - 96 -