LA COURONNE DE VENISE glycines, puis, en juin, les grappes parfumées des acacias, et de nouveau, à l’automne, les glycines tardives. Les Italiens ont conservé de la Renaissance le sens exquis de la beauté, et, sauf quelques fautes de goût, d’ailleurs presque toujours récentes, l’ont appliqué d’instinct à leurs cités. Ils aménagèrent, au mieux de l’aspect décoratif, les castelli des villes déchues, les citadelles, les murailles et les fossés. Souvent déjà, j’ai noté leur habile appropriation de ces antiques constructions qui ne tiendraient pas une heure devant l’artillerie moderne. Au lieu de détruire et niveler, comme nous le fîmes trop souvent, ils respectèrent les remparts inutiles et les transformèrent en superbes promenades ombragées, d’où l’œil ne se lasse pas d’admirer les perspectives et les horizons. Ici, ce fut mieux encore. Ils laissèrent intactes les enceintes fortifiées des xnc et xme siècles ; puis, au pied des murs et sur les berges des fossés, ils tracèrent des jardins, plantèrent des arbres, semèrent des gazons et des fleurs ; si bien que les deux petites villes ont maintenant une triple ceinture de pierre, de verdure et d’eau. Elles sont comme ces momies cerclées de bandelettes qui, après des milliers d'années, gardent encore la forme vivante qu’elles eurent. Une visite à Castelfranco est, pour moi, le type même de ces journées d’Italie, si pleines et si joyeuses à la fois, où, dans un exquis décor et loin des importuns, on peut — 122 —