LA PLAINE DU VENETO revu avec plaisir les deux petits tableaux de Girolamo da Treviso, dans la galerie qui précède la chapelle Mal-chiostro, et je me souviens qu’une année, en revenant de Brescia, leur teinte argentée m’avait rappelé le coloris du Moretto. Des deux peintres trévisans plus célèbres, si l'un, Rocco Marconi, ne figure même pas dans sa ville natale, l’autre, Paris Bordone, y est au contraire représenté par l'un de ses chefs-d’œuvre, Y Adoration des bergers de la cathédrale. Bien qu’abîmé par des restaurations, insuffisamment éclairé et mal mis en valeur dans un cadre rectangulaire qui ne s’adapte pas à l’ovale de la partie supérieure, on peut se rendre compte encore de l’éclatant coloris et de l'habile groupement des personnages. C’est un des meilleurs tableaux de ce peintre inégal qui imita un peu tous les maîtres de Venise et acquit, de son temps, une grande réputation. « Je ne crois pas, lui écrivait l’Arétin, que Raphaël ait jamais donné à ses figures divines une expression plus angélique, tant de grâce, d'allure et de nouveauté, vaghe\\a, aria e novi-tade... » Certes, l’Arétin ne fut jamais un modèle de modération, pas plus dans l’éloge que dans le blâme, et ce n’est pas d’aujourd'hui que les critiques accablent parfois les artistes de louanges exagérées ; mais cela nous explique pourquoi Titien n’aimait guère cet élève qui prenait des allures de rival. Le temps a remis chacun à — 113 —