LA COURONNE DE VENISE jamais carrière ne débuta plus glorieusement. On travailla trois quarts de siècle à cette œuvre colossale que le Maître ne put terminer, mais qu’il vit suffisamment avancée pour n’avoir aucun doute sur sa beauté. Nulle part, il ne déploya plus de génie. Il ne s’agissait pas de bâtir un palais sorti de son cerveau ; il devait utiliser de vieux murs, les consolider, les agrandir et faire cependant un tout entièrement nouveau, original et somptueux. Pour une telle entreprise, il fallait de l’intelligence, de la science, de l’invention, de l’habileté, de la souplesse : Palladio eut tout cela à un point dont on reste confondu à mesure que l’on se rend mieux compte des difficultés qu’il dut vaincre. On est ébloui par tant de majesté et de splendeur ; on se demande surtout comment un tel résultat a pu être obtenu par des lignes aussi simples et presque sans ornements. Le double étage de portiques qu’il imagina répond entièrement au but à atteindre et constitue en même temps un ensemble d’une harmonie et d’une noblesse parfaites. On ne conçoit pas concordance plus absolue entre le nouveau revêtement et les piliers intérieurs qui soutiennent la première construction. Qui ne saurait l’histoire du monument ne pourrait avoir l’idée que les façades actuelles n’ont pas toujours constitué son aspect extérieur. Les arcades reposent sur de sveltes colonnes accouplées qui augmentent l’ouverture et donnent plus de légèreté à l’ensemble ; elles sont doriques à l’étage inférieur, ioniques — 62 —