LA PLAINE DU VENETO de fois j’ai flâné sous les arcades de ses rues tortueuses, sur sa Piazza dei Signori bordée de palais crénelés, et surtout le long des vieux remparts transformés en larges promenades ombragées d’arbres immenses que l’humidité a fait croître magnifiquement, et d’où la vue est si belle, au début du printemps, sur les Alpes neigeuses ! Et qu’il est doux d’entendre parler autour de soi le dialecte vénitien, avec son zézaiement, ses souplesses et ses fluidités; c’est à lui que devait penser lord Byron, plus qu’à l’italien en général, lorsqu’il célèbre, dans son poème de Beppo, cette langue enchantée « suave comme un baiser de femme, qui paraît liquide et semble écrite sur du satin ». Trévise s’enorgueillit à juste titre de quelques bons tableaux, et, tout d’abord, de VAnnonciation qui fut commandée à Titien par le chanoine Malchiostro, pour la chapelle du dôme qui porte son nom, et qui, depuis, n’a pas bougé du superbe cadre à colonnes où elle fut placée. Certes, elle ne vaut pas VAnnonciation de la Scuola di San Rocco, exécutée huit ans après ; mais elle a une sorte d’ardeur joyeuse qui m’a toujours séduit. La jeune Vierge, vêtue d’une robe rouge et d’un superbe manteau bleu sombre, agenouillée et respectueuse, est une des plus simples et des plus nobles figures de Titien. L’ange n’a pas l’attitude doucereuse que lui donnèrent tant de peintres ; il arrive en coup de vent, et, derrière lui, l’atmosphère — ni —