LA PLAINE DU VENETO vais état, depuis l’époque où le château servit de caserne. Les soldats — qu’ils soient italiens ou français — sont des locataires bien dangereux pour les œuvres d’art: Udine, comme Avignon, en fit la rude expérience. Dans le musée, je note au passage un amusant panorama de la cité dressé par Callot en 1600, un Canaletto d'un gris délicat, une petite étude de Véronèse pour son Martyre des SS. Marc et Marcellin, et trois Tiepolo. Mais la ville est trop riche en œuvres de cet artiste pour que je m’arrête à celles-ci et j’aurais préféré que les peintres locaux fussent mieux représentés. C’est à peine si j’ai trouvé un assez beau Couronnement de la Vierge de Girolamo da Udine. Pour étudier le créateur de l’école, Martino, plus connu sous le nom de Pellegrino da San Daniele, il faut sortir d’Udine et aller : soit à Aquilée, voir le tableau d’autel du Dôme; soit à San-Daniele, sa ville natale; soit à Cividale, la vieille capitale lombarde qui garde jalousement, à côté de précieux trésors archéologiques, le chef-d’œuvre du peintre, la Vierge de Santa Maria dei Battuti. Ici, au musée d’Udine, il n’y a que Quatre Évangélistes, si noirs et si abîmés, qu’il est à peu près impossible de les distinguer. D’ailleurs, comment rester enfermé dans ces salles obscures, lorsqu’on entrevoit, par les fenêtres, le superbe panorama dont on jouit de l’esplanade qui s’étend derrière le château ? Je connais peu de vues aussi vastes et aussi — 99 -